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La mémoire et l’exil dans le sang de l’oubli


Ecrire a toujours été un acte de résistance, en parfaite complicité avec la lecture. Le premier droit d’un poète, si je parodie Daniel Pennac, serait donc de ne pas écrire ou de ne pas dire. Le refus de la parole débouche souvent sur une forte poétique, une quête du vide et du silence. Voilà donc la tentative menée par Jean Mino dans son livre « Le sang de l’oubli ».

Ce livre se réclame d’une poétique de remise en cause qui n’est pas sans rappeler Magloire Saint Aude et Davertige. On reprochera à Mino, sans doute son style brut ou son surréalisme, mais l’auteur sait traiter avec art les plus grandes thématiques de la poésie haïtienne : L’exil et la mémoire.

Mino est crimologue et mène sa barque aux Etats-Unis et en Europe.  Il sait, en tant que crimologue averti, que le sang est un indice clé, une invitation à ce refus de la parole…

Le sang de l’oubli peut être perçu comme un rejet de la mémoire, une quête de soi-même, une mémoire qui se laisse (trans)former.

” Je pars en quête

De moi-même à l’unisson

Du rêve et de la banalité

 Dans le quai du silence”

La mémoire chez Mino n’est pas toujours consciente. Elle est parfois la “Memoire [de] l’oubli”, une quête de son identité ou de sa carte “sans indentité”. Mino clame ainsi sa non-identité, son non-être et son refus du souvenir dans des textes courts qui sonnent comme des cloches mortuaires.

Il apparait tôt

Des larmes cendrent mes yeux

La vie déroute”

Ce recueil d’une quarantaine de textes peut être vu comme le testament d’un exilé. Ce thème est séculaire dans l’histoire de la littérature, mais ce qui est nouveau avec Mino, c’est la dimension poétique de l’exil. Il ne s’agit pas ici d’une fuite forcée d’un régime politique mais plutôt d’une fuite d’un mal existentiel. L’auteur crée ainsi ses ilots de solitudes et les peuple de mots errants, faits de toutes les carcasses humaines. Le refus de la parole cité plus haut serait donc confondu chez Mino avec cette envie de casser sa solitude, de sortir de son exil et de lancer à la face du monde la laideur de la bêtise humaine et du sang.

Il n’ y a que moi

Pour compter les pas

Dans cette nuit d’émoi

Nuit solitaire à la densité

Des îles”

[…]

“Je fus soupoudré de douleur

De peine et de malheur

Je suis poète assassiné”

Dans sa préface, Denise Bernhardt a bien vu qu’il s’agissait ici d’une quête du Moi dans l’exil : Fuir pour être plus près et refuser de dire pour écrire.

Dans « Le sang de l’oubli », les paysages sont macabres. L’univers de Jean Mino est marqué par cet élan créateur, ce saut poétique que fait tout homme devant l’immense absurdité du vide.

 Le sang de l’oubli, Jean Paul Mino, Ed. Ruptures, Mai 2012

Webert Charles

cwebbn@yahoo.fr

 

 

« L’exil que nous fuyons »


C’est un siècle nouveau.  Deux hommes avancent seuls dans les rues éventrées de Port-auprince et leurs voix semblent ricocher sur les briques éclatées, les conduites arrachées, sur la caillasse amoncelée, dans un brouhaha de fin du monde.  C’est une marche à travers les reliefs du souvenir et de la séparation.  Leurs inflexions alternent à nos oreilles comme une conversation douce-amère qui pourrait bercer les enfants qui ne comprennent pas encore le sens des mots.  Ou les adultes déboussolés dans le vacarme des apparences de la Babel moderne.  Ils se parlent sans vraiment se répondre car c’est en réalité à la terre et au ciel, aux éléments et, parfois, aux femmes qu’ils s’adressent.

‘Pour que la terre s’en souvienne’ et un journal de l’errance et de la convalescence après la destruction, un testament pour la mémoire, qu’on aimerait effectivement pour la terre, si seulement elle pouvait se souvenir, mais dont on se contentera qu’il reste marqué dans la mémoire des hommes.

Des souvenirs de l’avant jonchent le parcours « On s’aimait / Comme on va à la banque » ; « Nous n’irons plus à la mer / Par ce chemin ouvert au silence » ; « Je ne parviendrai jamais à t’écrire / Tous les murs plantés sur mes errances / Ni la mer dans mes mains ».  Mais le poète n’est pas dupe : « Ici toute mémoire est un leurre ».  Le refuge du souvenir est un mirage.  Autant que les cœurs battent, autant que les ventres ressentent la faim et le désir, le monde est là, tout autour, en mouvement.  Il n’attend pas et il faut (sur)vivre.  L’homme ne peut compter que sur lui-même.

Après le traumatisme du séisme, l’abasourdissement et l’immense fatigue (« Désert dans mes yeux humides / Hormis mon sexe » ; « Mon cœur est un vieux moteur qui ne tourne plus »), la difficulté d’être et de parler (« Je ne parviendrai pas à te dire / Tout ce que le monde a connu ») viennent les questions ; celle par exemple du départ : « Partirai-je loin de mon île / La folie dans la gorge / Comme une langue coupée ».  Mais  la question est probablement oiseuse, car comme le note Webert, l’exil, pour chacun des Haïtiens victimes du bouleversement, est déjà  là, à l’intérieur.  L’exil est devenu un état de fait, car si beaucoup des Haïtiens ont survécu, c’est le monde qu’ils connaissaient qui s’en est allé.  Le départ, dans une étrange démonstration par l’absurde, pourrait-il y remédier ? Plus profondément encore les mots du poète révèlent que l’état d’exil fait partie de chaque être humain, de notre condition.  Ne sommes-nous pas irrémédiablement enfermés dans le bagne doré, l’îlot de nos individualités, étrangers  au monde et aux autres que nous dévisageons sans toujours les comprendre ?  Ne sommes-nous pas abandonnés dès la naissance dans cet espace dur et dépourvu d’émotion, sans savoir et sans raison, à la merci de la moindre bourrasque, dans un exil quotidien ?  Et les subterfuges dont nous usons,  les illusions que nous construisons ne nous seront au final d’aucun secours : « L’exil que nous fuyons / Nous appartient / Plus que ces faux dieux / Qu’on invente et qui nous tuent »

Heureusement la beauté ravive les sensations et annonce l’espérance, d’abord par bribes : « Je rallume les fresques sur ton visage » ; « Chaque clarté est en moi / Comme une lueur à tes soifs / Chaque écho est un réveil à mes sens ».  Puis en grands mouvements solaires : « Dites aux chants des oiseaux que nos mains reprennent la bannière ».  Livré à lui-même, c’est en lui que l’homme puise les ressources du renouveau : « J’ai appris à hurler / dans les crinières du jour / A traverser les larmes ».

La poésie de Webert et Jean Watson Charles s’instille en nous progressivement et aussi sûrement que l’eau engorge le sable à chaque marée sur Ibo beach.  Par petites touches, dans des textes courts, matures voire sereins (souvent plus sereins chez Jean Watson : « Et j’attends tes jambes / Comme des fruits annoncés » que chez Webert : « Quelle mère est-elle la mer / Mais quelle merde ! »), elle construit un palais de vent où il fait bon séjourner.  Une poésie en fragments de bois flottés portés par l’écume et éparpillés sur le rivage, des parcelles d’un navire imaginaire à réassembler pour cingler vers d’autres sphères.  Une poésie où la souffrance et le questionnement (« Comment écrire / Si les mots sont vides / Et les pages remplies / Si les marges marchent à reculons ») font parfois place à l’espoir.  Où la douleur côtoie le sexe (« En moi / Il y a la mer à conquérir / pour trouver le bleu de ton pubis »).  Où de la solitude surgit la quête (« Je cherche le chemin / Où les cœurs meurent par manque / D’amour et d’alcool ») et la trouvaille (« La mémoire utopique ment »).  Il y a souvent une grande communion dans le style et le propos des auteurs, déjà frères par le nom, qui donne au recueil unité et force.  Une poésie qui touche parfois au cosmique : « J’invente la mer / Et les ressacs / Mais le silence / Ne supporte plus / L’invagination des corps célestes ».

C’est un siècle nouveau, avec ses calamités et ses merveilles.  C’est un siècle qui exige de nous et de nos dirigeants lucidité, responsabilité et générosité, au risque d’être balayés au rythme des ouragans, des sécheresses et des séismes.  Il est loin le temps du combattant de la Négritude dont Sartre dans son ‘Orphée Noir’ nous disait : « Il se veut miroir et phare à la fois ; le premier révolutionnaire sera l’annonciateur de l’âme noire, le héraut qui arrachera de soi la négritude pour la tendre au monde, à demi prophète, à demi partisan, bref un poète au sens précis du mot ‘vates’ ».  Il est loin le temps où les poètes exhortaient leurs compatriotes à s’unir aux masses laborieuses du monde sous la bannière rouge « Debout les damnés de la terre / Debout les forçats de la faim » (Jacques Roumain).  Et pourtant les mots de ces jeunes poètes haïtiens font échos à ceux de leurs illustres prédécesseurs, comme par exemple ceux de René Belance « J’ai mon âme plus grande que le spectacle de ma désolation.  Je porte en mes yeux la nostalgie de mes déserts perdus.  J’ai mes racines lointaines que perd la frondaison. »  Ou ceux d’Anthony Phelps « Je porte en moi la densité de la nuit / Et les insectes font l’amour sur mes mains inutiles ».  Et pourtant, ces deux hommes d’Haïti qui chantent la souffrance, le désenchantement mais aussi la joie et la jouissance en sont les dignes héritiers : « J’écris / Pour effacer nos années-lumière / Mais l’ivresse vient de partout / et me traverse » ; « Mille lieux m’habitent / Et les cœurs ont le nom des promesses ».  Parce qu’au-delà des époques, des tempêtes et des soubresauts des sociétés et de leurs idéologies, voire de la couleur de peau, la condition humaine est une.  Et pourtant, comme le dit encore Sartre : « Voici des hommes noirs debout qui nous regardent et je vous souhaite de ressentir comme moi le saisissement d’être vus ».

Pour que la terre s’en souvienne, jean Watson Charles et Webert Charles, Ed. Edilivre, Paris, 2012

Arnaud Delcorte

Professeur à l’université Catholique de Louvain

                                                                                                      

Obama on est raciste


“Si vous pensiez que la réélection du premier président noir pouvait indiquer que le racisme n’existe plus vraiment, alors regardez Twitter : une quantité déprimante de messages haineux a été publiée, appelant à la violence et qualifiant Barack Obama de ‘nègre’ ou de ‘singe'”rapporte le site américain Jezebel.

Exemple de tweet raciste publié après la réélection de Barack Obama : “Nous venons de choisir un nègre qui n’en vaut pas la peine plutôt qu’un Américain pure souche. (…) La Maison Blanche s’appelle ainsi pour une bonne raison.”

Partant de ce constat alarmant, FloatingSheep, un blog britannique dédié à la cartographie et à la géographie, a réalisé une carte interactive des Etats-Unis localisant les tweets racistes en lien avec la présidentielle, publiés entre le 1er et le 7 novembre.

Pour produire la carte, l’équipe a eu recours à un outil de géolocalisation qu’elle a développé il y a près d’un an : Dolly, pour data on local life and you (“données sur la vie locale et vous”, en français). “Nous avons sélectionné 395 des pires tweets haineux envers Obama que nous avons ensuite comparés avec le nombre total de tweets géolocalisés dans chaque Etat, sur la même période”, explique FloatingSheep.

Capture d’écran de la carte interactive mesurant le nombre de tweets racistes proportionnellement au nombre total de tweets dans un Etat donné. (Crédits photo : floatingsheep.org)

Sans surprise, les Etats du sud des Etats-Unis ont produit d’avantage de tweets racistes que le Nord. Une partition nette qui n’est pas sans rappeler les vieilles réminiscences de la guerre de Sécession. L’Alabama et le Mississippi affichent plus du double de messages haineux par rapport à la Géorgie, qui arrive troisième. Les Etats où Mitt Romney a réalisé ses meilleurs scores sont également dans le viseur. Selon FloatingSheep, il faut toutefois garder à l’esprit que cette carte ne mesure pas le nombre d’utilisateurs mais de tweets. En publiant plusieurs messages d’affilée, certains internautes ont ainsi fait grimper le taux de racisme mesuré dans leur région par FloatingSheep. C’est le cas particulièrement dans des Etats comme le Dakota du Nord, l’Utah et le Minnesota, où le nombre total de tweets était faible.

En revanche, certains Etats, correspondant aux zones grisées sur la carte, n’ont produit aucun message raciste repéré par l’équipe. Des résultats qui s’expliquent, selon FloatingSheep, par le faible engouement des habitants de ces Etats pour les réseaux sociaux. “Proportionnellement au reste du pays, le Montana, l’Idaho, le Wyoming et le Dakota du Sud sont des Etats qui tweetent très peu. Et parmi les Etats actifs sur Twitter, seul Rhode Island a été épargné par ces tweets haineux”, précise FloatingSheep.

Au vu de ces résultats, l’équipe du blog souhaite avant tout attirer l’attention sur les comportements racistes, sur la Toile et en dehors. Bien que la forte concentration de tweets racistes soit loin d’être généralisée, “aucun Etat n’est immunisé contre ce genre de comportement”, concluent-ils.

Classement décroissant du nombre de tweets haineux dans chaque Etat (y compris le Distric of Columbia) :

1/ Alabama

2/ Mississippi

3/ Géorgie

4/ Dakota du Nord

5/ Utah

6/ Louisiane

7/ Tennessee

8/ Missouri

9/ Virginie-Occidentale

10/ Minnesota

11/ Kansas

12/ Kentucky

13/ Arkansas

14/ Wisconsin

15/ Colorado

16/ Nouveau-Mexique

17/ Maryland

18/ Illinois

19/ Caroline du Nord

20/ Virginie

21/ Oregon

22/ District of Columbia

23/ Ohio

24/ Caroline du Sud

25/ Texas

26/ Floride

27/ Delaware

28/ Nebraska

29/ Washington

30/ Maine

31/ New Hampshire

32/ Pennsylvanie

33/ Michigan

34/ Massachusetts

35/ New Jersey

36/ Californie

37/ Oklahoma

38/ Connecticut

39/ Nevada

40/ Iowa

41/ Indiana

42/ New York

43/ Arizona

Etats non classés : Alaska, Idaho, Dakota du Sud, Wyoming, Montana, Hawaï et Rhode Island.

 

Source: Le monde.fr

La Chine: la première puissance mondiale en 2016


Les Etats-Unis perdront leur place de première puissance mondiale, dépassés par la Chine en 2016, puis par l’Inde, selon un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), publié vendredi 9 novembre.

Dans son rapport sur la croissance mondiale à l’horizon 2060, l’OCDE table sur une croissance de l’économie mondiale de 3 % par an en moyenne, avec des différences marquées entre les économies de marché émergentes et celles des pays avancés. “L’équilibre de la puissance économique va fortement basculer au cours des cinquante prochaines années”, selon l’organisation, qui regroupe les pays les plus riches de la planète.

“La crise économique que nous avons vécue pendant les cinq dernières années finira par être surmontée, mais le monde de nos enfants et petits-enfants sera peut-être nettement différent du nôtre”, estime le secrétaire général de l’OCDE,Angel Gurria, cité dans l’étude.

LA CROISSANCE FRANÇAISE DÉPASSERAIT CELLE DE L’ALLEMAGNE

“Du fait de leurs forts taux de croissance, le PIB total de la Chine et de l’Inde dépassera celui des sept plus grandes économies mondiales (le G7) d’ici à 2025. Il sera 1,5 fois plus important d’ici à 2060, alors qu’en 2010, il ne comptait que pour moins de la moitié du PIB du G7”, précise notamment l’OCDE.

Les économies vieillissantes, celles du Japon ou de la zone euro, devraient quant à elles progressivement céder du terrain face aux pays dont la population est plus jeune, tels que l’Indonésie et le Brésil. En Europe, la France devrait notammentvoir son taux de croissance augmenter à 2 % entre 2011 et 2030 puis retomber à 1,4 % entre 2030 et 2060.

Selon ce même rapport, la croissance française dépasserait celle de l’Allemagne : + 1,3 % entre 2011 et 2030 et + 1 % entre 2030 et 2060 outre-Rhin. De manière générale, “l’écart existant actuellement entre le niveau de vie des marchés émergents et celui des économies avancées devrait se rétrécir en 2060,” souligne encore l’OCDE.

 

Source: Le monde.fr