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Nobel de littérature: sur quel écrivain placer votre argent ?


Jour de Nobel dans les bureaux de BibliObs. (Jin Lee/AP/Sipa)Face à l’instabilité du contexte économique, la dégradation des dettes souveraines et la parution des très mauvais chiffres de la balance commerciale moldave, les investisseurs hésitent à prendre des risques sur les marchés financiers. Et ils ont raison !

Heureusement pour eux, il existe des marchés secondaires où il est encore possible de réaliser de belles plus-values. Notre conseil de la semaine : surveiller les fluctuations des valeurs sur le Nobel de littérature. Mais il ne faut pas traîner. La clôture des échanges aura lieu jeudi 10 octobre, dans l’après-midi, avec l’annonce des résultats annuels du Comité Nobel, réuni pour un conseil d’administration exceptionnel à Stockholm.

En attendant, rien ne vous empêche de vous positionner. Vous trouverez les cotes sur le site britannique Ladbrokes.com. Cela dit, attention aux mauvaises affaires. Contrairement aux années précédentes, où les investisseurs pouvaient toujours compter sur de mystérieuses fuites, la lisibilité du secteur suédois est mauvaise. Voici quelques tendances repérées par nos senior literary analysts qui vous permettront de vous y retrouver.

Haruki Murakami : attention aux valeurs trop sûres !

L’écrivain japonais a le vent en poupe. Le succès mondial de son produit «1Q84» ne se dément pas. Le troisième tome a séduit sa base-clientèle un an seulement après le lancement des deux premiers. Cela étant, nos experts en trading littéraire déconseillent fortement de s’engager sur cette valeur. La stratégie de l’Académie Nobel a souvent été la diversification à l’international; or elle vient tout juste d’affermir ses bases sur le continent asiatique, en recapitalisant Mo Yan, le leader chinois du roman animalier. Pour les mêmes raisons, on doute de l’opportunité de miser sur Ko Un, poète coréen qui a au moins l’avantage d’offrir un meilleur rapport que Murakami, placement trop prudent pour être vraiment rentable.

Alice Munro : la Canadienne a la cote

On ne présente plus la marque canadienne Alice Munro, qui domine depuis plus de 40 ans le secteur, très porteur outre-Atlantique, de la short story. Il y a trois ans, elle remportait le Man Booker International pour l’ensemble de sa production, jugée «pratiquement parfaite» par les décideurs anglo-saxons. Deux facteurs en font un placement à envisager: les Nobel n’ont jamais mené d’offensive au Canada ; et ils pourraient tenter de féminiser l’image de leur label (en vingt ans, seules cinq femmes ont bénéficié d’un bail out venu du froid). Nos analystes, qui ont les yeux rivés sur leurs écrans depuis des semaines, ont remarqué un frémissement à la hausse de sa cote, qui en onze heures s’est hissée au deuxième rang chez les donneurs d’ordres.

Svetlana Alexievitch : la roulette biélorusse

On sait que le Nobel est un marché hautement affecté par le contexte politique et les rapports Est-Ouest. Depuis les OPA sur Pasternak et Soljenitsyne, l’opposition suédoise à l’expansion soviétique et son effort pour permettre l’entrée de l’ancien bloc communiste dans l’économie de marché n’a échappé à personne. Dans la droite ligne de cette stratégie, le choix du conseil d’administration pourrait se porter, selon les plus hardis de nos analystes, sur Svetlana Alexievitch, écrivain-journaliste biélorusse. Auteure de livres sur Tchernobyl, sur la campagne militaire russe en Afghanistan ou sur«la Fin de l’homme rouge», titre de son dernier produit littéraire, tout juste lancé sur le marché français, elle a déjà séduit des agences de notation, comme l’ONG humanitaire Oxfam, qui lui a décerné un triple A en 2007. Placement risqué, mais très bonnes promesses de plus-value sur les plateformes de trading comme Ladbrokes, avec une possibilité de quintupler son investissement.

Joyce Carol Oates : le facteur industriel

Joyce Carol Oates ne connaît pas la crise. Depuis 1968, date de son apparition sur le marché littéraire, elle a publié 113 livres. Son secret ? Elle a su rationnaliser ses flux de production et diversifier son activité : roman, essai, nouvelle, poésie, littérature jeunesse, théâtre. Cette productivité industrielle à toute épreuve s’est accompagnée d’une capacité hors du commun d’adaptation aux nouvelles technologies, notamment sur Twitter où la somme de ses tweets pourrait remplir 113 autres livres. C’est connu : rien ne vaut une valeur financière adossée à une solide assise dans l’économie réelle. Le Nobel pourrait en outre être séduit par l’idée d’entrer sur le marché américain, qu’il a délaissé depuis 1993, année où Toni Morrisson avait décroché le fameux contrat.

Adonis : la Syrie, eldorado des investisseurs malins

Le bon donneur d’ordre prête toujours une grande attention aux évolutions du contexte géopolitique. Tandis que l’OIAC attend un cessez-le-feu pour détruire les armes chimiques de Bachar al-Assad, lepoète syrien pourrait recevoir le soutien la coalition suédoise. Ne soyons pas cyniques, mais n’oublions pas non plus que la guerre est l’amie des fortunes vite bâties.

Jon Fosse : l’hypothèse d’un protectionnisme scandinave

Il y a deux ans, le fonds monétaire du Nobel avait surpris la planète économique en attribuant son aide financière annuelle à Tomas Tranströmer, poète suédois nonagénaire. Nos analystes ont cette année repéré des mouvements intéressants sur l’action de Jon Fosse, dramaturge norvégien franchisé en France par Claude Régy et le regretté Patrice Chéreau. Sa cote a brusquement grimpé. Le Nobel a-t-il cédé à la tendance de la relocalisation économique? Face aux incertitudes de la globalisation, entend-il devenir un «locaprix»? Avis aux investisseurs audacieux : il y a des couronnes à se faire.

Ngugi Wa Thiong’o : l’Afrique, nouvelle terre promise

Tous les think tanks le disent: l’Afrique est un continent d’avenir. L’écrivain kenyan pourrait s’imposer comme la star des portefeuilles bien structurés. «Prisonnier d’opinion» célébré par Amnesty International après son année de réclusion pour une pièce de théâtre contestataire jouée en kikuyu devant un public populaire à la fin des années 1970, auteur de livres interdits par le pouvoir kenyan, exilé politique et grand habitué des universités anglo-saxonnes, Ngugi Wa Thiong’o apparaît comme un investissement compatible avec l’éthique corporate de la firme Nobel.

Peter Nadas : si le cœur vous en dit

Voilà quinze ans que le Hongrois Peter Nadas a lancé son superbe «Livre des mémoires» sur le marché européen, s’imposant comme une valeur sûre du secteur. On remarquera toutefois qu’il a négligé, dans sa stratégie d’expansion, son implantation éditoriale en Suède. En regardant les transactions passées ces derniers jours, force est de constater que certains investisseurs semblent lui faire confiance. Mais on vous met en garde: placement risqué.

Source: Le nouvel observateur

Survit-on au Nobel ?


Le prix Nobel de littérature, rêve ultime de tout écrivain ? Plus proche du cauchemar en vérité. Retour sur les déçus de Stockholm.

Avec Mo Yan, on aurait pu croire que l’Académie suédoise avait visé juste : « mondialement reconnu et apprécié » pourLibération« grand écrivain » et « compromis politique acceptable » pour Le Monde, le premier Chinois à obtenir la récompense ultime (Gao Xingjian mis à part : le Nobel de 2000 avait la nationalité française depuis 1997) aurait dû faire un bel ambassadeur. L’ennui, c’est que cet ambassadeur est un peu trop lié au gouvernement, entre son ancienne carrière militaire, son statut de vice-président de l’Association des écrivains de Chine et sa carte de membre du parti communiste national.Depuis l’annonce du lauréat, dissidents et intellectuels n’en finissent pas de commenter cette victoire, assimilée à une « catastrophe » par Herta Müller, elle-même victorieuse en 2009, dans le journal suédois Dagens Nyheter (repris par leGuardian). Lors de son discours de réception qui s’est déroulé à Stockholm le 6 décembre, Mo Yan a ainsi dû se justifier sur les polémiques suscitées par son sacre. « J’ai eu le sentiment que la personne visée n’avait rien à voir avec moi », a-t-il déclaré. Ce ne serait donc pas l’homme qu’on attaque, mais ce qu’il incarne, ou plutôt ce qu’il doit incarner maintenant que son nom est associé au Nobel.

On le sait, le Nobel de littérature ne récompense pas seulement les qualités littéraires d’une œuvre, mais sa symbolique dans un contexte géopolitique global. Selon Josepha Laroche, auteur deLes Prix Nobel, sociologie d’une élite transnationale (éd. Liber), il n’y a même aucune « équation entre la valeur littéraire et le Nobel. Un grand écrivain novateur ne mérite pas forcément le prix. Il s’agit d’incarner dans sa personne, mais aussi dans son œuvre, des valeurs de respect des droits des peuples. Le Nobel, y compris en littérature, a pour horizon la pacification des relations internationales. » Dans cette mesure, on comprendra que Louis-Ferdinand Céline et Ezra Pound n’aient jamais été nommés, sans doute écartés pour leurs prises de positions antisémites et fascistes. De même, l’Argentin Jorge Luis Borges qui, s’il a souvent figuré sur les listes, n’a, dit-on, pas été retenu, soupçonné de bons rapports avec le général Pinochet (il avait été photographié serrant la main du dictateur).

Ceux qui reçoivent le Nobel ont, tacitement, mission d’exemplarité. Cette stature induite par le prix, c’est précisément ce que redoutait Jean-Paul Sartre. En 1964, alors que la rumeur court qu’il pourrait être choisi à Stockholm, il s’empresse d’envoyer une lettre au secrétaire de l’Académie, expliquant qu’il« désire ne pas figurer sur la liste des lauréats possibles », pour des raisons « personnelles » et d’autres plus « objectives ». La lettre n’arrive pas à temps et Sartre, comme prévu, est récompensé. Autre missive, en forme de confirmation: « L’écrivain, précise-t-il cette fois, doit […] refuser de se laissertransformer en institution même si cela a lieu sous les formes les plus honorables comme c’est le cas. » Un seul autre écrivain a refusé le Nobel, le Russe Boris Pasternak, en 1958 – pour des raisons fort différentes : Khrouchtchev le menaçait d’exil à vie s’il l’acceptait. Acculé, il abdique « à la lumière de la signification donnée à cet honneur dans la communauté à laquelle [il] appart[ient] ».

Une fois nobélisé, on ne parle plus seulement en sa propre voix mais, semble-t-il, pour le bien commun. Qu’un lauréat se permette une sortie sur un sujet sensible, et il en paye immédiatement les conséquences. Ainsi de José Saramago (lauréat 1998) qui voit son œuvre boycottée en Israël quand, en 2002, il compare la situation de la Palestine « à ce qui s’est passé à Auschwitz ». Malaise également lorsque Doris Lessing (lauréate 2007) estime que « le 11 Septembre n’a pas été aussi terrible» que les actions sanglantes de l’Armée républicaine irlandaise. La romancière britannique, qui a son franc-parler, n’hésite pas, par ailleurs, à se plaindre des conséquences du Nobel sur son travail.

«Tout ce que je fais, c’est accorder des interviews et me faire prendre en photo », explique-t-elle dans un entretien avec la BBC, en mai 2008. La même année, elle publie Alfred et Emily(éd. Flammarion), qu’elle présente au Times comme son dernier livre. «Je n’ai plus l’énergie pour écrire en ce moment», avoue-t-elle. Lessing est l’auteur le plus âgé à avoir reçu le Nobel de littérature, elle avait 88 ans. Ses livres les plus importants avaient déjà été écrits – c’est, du reste, le cas de la grande majorité des lauréats. Le Nobel revient-il alors à signer la fin d’une carrière ? Récompensé en 1994, le Japonais Kenzaburō Ōe déclara qu’il n’écrirait plus de romans après le Nobel. Il a depuis repris la plume dans les médias pour militer contre le nucléaire au Japon, plus porte-drapeau qu’écrivain en exercice.

Dans ces conditions, rien de très réjouissant à être honoré par l’Académie. En 1950, l’année où William Faulkner obtient le prix, son œuvre est bel et bien derrière lui. Comme le rappelle Mathieu Lindon dans une enquête publiée dans Libération, il n’écrira plus que « son roman le moins admiré, Parabole, en 1954, ainsi que la Ville (1957) et le Domaine (1959), qui closent la trilogie Snopes commencée par le Hameau en 1940 (sans compter les Larrons, roman moins ambitieux, paru en 1962, l’année de sa mort). » À ce moment de sa vie, la cinquantaine fatiguée, Faulkner estime qu’il « ne reste probablement plus grand-chose dans la citerne. » Il va tout de même recevoir sa récompense à Stockholm, qu’il range ensuite dans une boîte à cigares, comme un souvenir d’enfance. Ce Nobel qui lui a apporté fortune et notoriété, il n’en voulait pas, en premier lieu parce qu’il impliquait la perte de sa vie privée, droit qu’il plaçait au-dessus de tout. En 1969, un autre homme discret remporte le Nobel de littérature, il s’appelle Samuel Beckett. L’auteur d’En attendant Godot (éd. Minuit) était déjà reconnu, mais il s’apprête à gagner une notoriété mondiale. Et quand elle l’apprend, son épouse, Suzanne, qui connaît bien l’homme, n’a qu’un mot : « Quelle catastrophe ! »

Par Thomas Stélandre

Prix Nobel: Décès


Stockholm – L’Académie suédoise, qui attribue chaque année le prix Nobel de littérature, a annoncé vendredi le décès à 89 ans d’un de ses membres, l’écrivain Knut Ahnlund, habitué de coups d’éclat qui ont secoué l’honorable institution.

« Il est mort le 28 novembre », a précisé l’Académie dans un communiqué.

En 1996, alors qu’il était un des cinq membres du comité Nobel qui chaque année soumet ses propositions pour le prix à l’ensemble des membres de l’Académie, il avait demandé à être relevé de ses fonctions en raison de ses désaccords avec le secrétaire permanent de l’institution de l’époque, Sture Allén.

Il s’opposait au refus de M. Allén de condamner au nom de l’Académie la peine de mort prononcée par l’Iran contre l’auteur britannique Salman Rushdie. Deux autres membres de l’Académie avaient également abandonné leur fonction en signe de protestation.

Knut Ahnlund, né le 24 mai 1923 dans une famille d’intellectuels, occupait le fauteuil numéro 7 depuis 1983, mais ne participait plus aux travaux de l’Académie depuis 1996.

Il avait symboliquement démissionné en 2005 pour marquer son opposition à l’attribution du prix à l’Autrichienne Elfriede Jelinek en 2004.

L’Académie royale suédoise a été fondée le 5 avril 1786, sur le modèle de l’Académie française, pour protéger la langue suédoise. Elle est composée de 18 membres nommés à vie.

Chaque année, les propositions du comité Nobel sont soumises et discutées par l’ensemble des membres de l’Académie avant un vote à la majorité simple. Un lauréat du prix doit être désigné par 12 membres au moins.

 

Source: Le Devoir