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Trois membres d’une famille défavorisée ont étés expulsés du musée d’Orsay, à Paris, le samedi 26 janvier, alors qu’ils visitaient la salle des Van Gogh. Motif : leur odeur dérangeait les autres visiteurs. Mais ces visiteurs incommodés qui se sont plaints aux gardiens ont-ils oublié d’où provenait l’art, et plus précisément celui de Van Gogh ? 

Édité par Agathe Mercante  Auteur parrainé par Amandine Schmitt

La façade du Musée d'orday en 2001, à Paris. Florence Durand sipa

La façade du musée d’Orsay en 2001, à Paris. (Florence Durand/Sipa)

Casse-toi pauvre !

Dans “Le Figaro” du mardi 29 janvier et dans “Le Parisien” du lendemain, j’ai lu que, samedi 26 janvier 2013, une petite famille avait été expulsée du musée d’Orsay à cause de… son odeur.

Pardonnez aux riches, ils ne savent pas ce qu’ils font

Samedi 26 janvier, les deux parents et leur fils de 12 ans, pauvres, arrivent donc au musée d’Orsay, accompagnés par un bénévole d’ATD. Ils mangent d’abord au restaurant du musée et le personnel est très prévenant, donc jusque-là tout va bien…

Puis les voilà dans les salles des Van Gogh, où ils découvrent les vibrations envoyées par la lumière des toiles. Les vibrations des Van Gogh sont-elles bonnes ? On n’en sait rien, mais ce qui est sûr, c’est que les vibrations que leur envoient leurs voisins de salle sont mauvaises, eux qui sentent bon et qui ne supportent pas leur mauvaise odeur. Car cette famille pauvre pue !

Mauvaise odeur des uns qui poussent les autres à se plaindre aux gardiens de ce déplaisir insupportable. Ceux qui admirent les œuvres d’un artiste qui lui-même était très loin de se laver tous les jours, pauvre qu’il était – mais dont les œuvres ne puent pas – souhaitent surtout jouir du confort de voir des œuvres d’art dans un musée prestigieux.

Le gardien avertit la surveillance et un peu plus tard, un peu plus loin, la petite famille et son accompagnateur bénévole sont priés par quatre gardiens de s’en aller tout de suite !

À la sortie, l’accompagnateur d’ATD demande des explications. Le musée – très embêté car très sensible à rendre le musée accessible à tous – lui dit qu’il a agi de la sorte pour protéger cette petite famille des remarques blessantes qu’elle aurait pu entendre. Le jeune bénévole, fine mouche, assure qu’il n’a rien entendu, mais le musée lui assure que l’on demande à ces pauvres de bien vouloir excuser ces riches d’être si méchants.

Cachez ces pauvres que je ne saurais voir

La famille accepte son sort, à la grande stupéfaction de son accompagnateur d’ATD. Pourtant il suffit de lire le roman d’Annie Ernaux, “La place”, pour comprendre que des gens qui n’ont pas l’habitude de venir dans des musées, ne sont pas étonnés qu’on leur dise, en substance, que ce n’est pas leur place.

C’est d’autant moins leur place qu’ils n’y viennent que très rarement. Je le sais car je suis guide conférencier indépendant ; je fréquente régulièrement tous ces lieux avec des groupes et j’en croise d’autres, composés de gens dont le niveau social n’a rien à voir avec cette petite famille.

Cette petite famille qui pue apporte au musée l’odeur de la misère, au milieu de touristes qui la fuient dans des hôtels 3 ou 4 étoiles de la capitale où éventuellement une partie du personnel peut vivre dans des conditions de précarité, mais ils ne le voient pas. Ici à Orsay, voilà que les pauvres font comme les riches, ils regardent, alors qu’ils puent ! C’est insupportable aux yeux de ceux qui font tout pour se distinguer. Donc, une petite plainte au gardien. Casse-toi, pauvre !

Van Gogh, un enfant de la misère, pas de l’opulence

Les gardiens, selon “Le Parisien”, sont là pour appliquer le règlement. Le règlement ne demande certainement pas d’expulser cette famille. Les gardiens pensent peut-être que, s’ils n’agissent pas ainsi – en écoutant la demande de confort, donc de tranquillité de la majorité – ils risquent des ennuis avec leur hiérarchie, ce en quoi ils se trompent vu la gêne du musée anticipant sur le retentissement possible de cette expulsion.

Mais les gardiens n’ont sans doute pas eu envie de prendre position – pour la tranquillité de cette famille pauvre – contre “l’intranquillité” de quelques autres. Mais pourquoi la direction n’est elle pas venue elle-même gérer la situation ?

Imaginons un responsable du musée prenant sous son aile cette petite famille, sentant lui-même leur odeur, et répondant avec beaucoup de finesse à tous ceux qui manifestent leur gêne, que s’ils regardent les tableaux de Van Gogh, il faut qu’ils sachent que c’est Van Gogh qui a peint “Les vieux souliers” visibles dans l’exposition “Bohèmes” au Grand Palais.

“Bohème”, tiens, tiens, et se lavait-on souvent quand on vivait une vie de bohème ?  Et ces vieux souliers, bonjour l’odeur des pieds qui en sortaient ! Van Gogh qui vivait lui-même dans la précarité, sentait-il bon ?

Quand on empêche un tiers jouir de l’art, on bafoue sa dignité

Revenons à la réalité. ATD signifie “Agir Tous pour la Dignité”. Et voilà le problème que pose cette famille pauvre à tous ceux qui l’entourent de leur malveillance : comment rester digne dans le “malheur” qu’ils éprouvent à devoir se passer d’un de leur sens, l’odorat, eux qui sont habitués à ne se passer de rien ?

Rester digne, c’est résister à la tentation d’aller se plaindre au gardien de cet inconfort, en se rappelant que c’est par ce chaos, ce trouble, que commence notre vraie relation à l’art qui n’est lui-même que le chaos et le trouble vécus par un artiste et dont l’œuvre en est la trace.

Comment ne pas penser avec cette histoire à l’expérience des publics “empêchés” – les détenus – que le Centre Pompidou vient de vivre à la centrale d’Osny, deux ans après l’expérience du Louvre à la centrale de Poissy. Ici, un effet domino a poussé le musée d’Orsay à empêcher une petite famille pauvre de jouir de l’art.

Guide conférencier, est-ce que j’organise des visites avec des gens pauvres ? Non et je le déplore. C’est pour cela que j’ai pris contact avec ATD afin de tenter de changer cela.

Affaire à suivre donc…

 

Source: Le Plus

Le premier portrait officiel de Kate Middleton


Après 18 mois de mariage avec le prince William, Kate Middleton, enceinte, voit son premier portrait officiel exposé à la National Portrait Gallery à Londres depuis ce vendredi 11 janvier.

Kate Middleton prend de l'âge sur son premier portrait officiel

Le premier portrait officiel de Kate Middleton a été dévoilé ce vendredi 11 janvier à la National Portrait Gallery à Londres.

Kate Middleton peut désormais se targuer d’avoir son portrait exposé à la National Portrait Gallery à Londres. Problème, la duchesse de Cambridge paraît avoir quinze ans de plus sur la toile réalisée par Paul Emlsey, et inaugurée vendredi 11 janvier en présence de son modèle, “une personne chaleureuse, ouverte et généreuse” a confié ce dernier.

Un détail qui ne semble pourtant pas avoir frappé le couple princier qui, après avoir observé l’oeuvre pendant dix minutes, a rencontré l’artiste et sa famille. “C’est impressionnant, je l’ai trouvé formidable”, a dit Kate en découvrant la toile. “C’est magnifique, c’est absolument magnifique”, s’est quant à lui félicité le prince William.

Plusieurs photos de Kate Middleton comme modèle

Pour la réalisation de ce portrait, Kate a posé à deux reprises en mai et juin 2012 au studio de l’artiste et au palais de Kensington,Paul Emsley ayant pu ensuite se référer aux photos prises pendant ces séances, a précisé le musée dans un communiqué.

Teint terne, cheveux légèrement blanchis à la racine, l’épouse du prince William esquisse un sourire pincé, vêtue d’une robe bleue à col lavalière. Des airs de grande dame déroutants quand on sait qu’il y a seulement quelques jours, la bru du prince Charles fêtait son… 31e anniversaire!

La fierté maorie


À gauche : Epa (panneaux), entre 1800 et 1900, d’une tribu inconnue, en bois de totara et coquille d’abalone. À droite : Poupou (poteau de soutien à figure masculine) pour mémorial, 1850, sculpté par Iwikau Te Heuheu T?kino III, tribu Ngati Tuwharetoa, en bois de totara.Photo : Annabelle Fouquet, PerspectiveÀ gauche : Epa (panneaux), entre 1800 et 1900, d’une tribu inconnue, en bois de totara et coquille d’abalone. À droite : Poupou (poteau de soutien à figure masculine) pour mémorial, 1850, sculpté par Iwikau Te Heuheu T?kino III, tribu Ngati Tuwharetoa, en bois de totara.

L’exposition E Tu Ake – Maori debout du Musée de la civilisation, une leçon de ténacité

Plonger dans la culture maorie, c’est plonger dans un monde bien lointain, à l’autre extrême de notre train-train quotidien de Nord-Américain occidentalisé. L’exposition E Tu Ake – Maori debout que présente depuis cet automne le Musée de la civilisation, à Québec, permet cette expédition à coup d’objets d’un raffinement et d’une précision étonnants. Notez que l’établissement reste ouvert le 1er janvier.

En cette période de fêtes d’origine chrétienne, de consommation parfois démesurée et de neige abondante, l’exposition E Tu Ake – Maori debout, réalisée par le Museum of New Zealand Te Papa Tongarewa, ne pouvait mieux tomber. L’impression de voyager au bout du monde n’en sera que plus grande et l’exotisme mis en place au Musée de la civilisation, que plus gratifiant.

Le dépaysement vous prend de court dès l’entrée dans la salle d’exposition : le parcours débute par une invitation à toucher une pierre. Si les objets qu’on peut toucher ne sont plus une rareté dans les musées, celui-ci n’a rien du bidule interactif et tout du bijou à protéger. Or cette pierre de la famille du jade, appelée Hine Kaitaka, jouit d’une « force vitale » destinée à tous, êtres vivants ou choses inanimées. On gagne à la caresser, comme on gagnait autrefois à tremper nos doigts dans l’eau bénite à l’entrée de l’église.

Peuple indigène d’Aotearoa (Nouvelle-Zélande), les Maoris ont leurs propres rites, leurs propres croyances. L’expo en donne un bon aperçu : masques, parures, pendentifs ; en tout, 155 objets, certains très grands, comme des pirogues ou des panneaux de maison, sont à voir – et non à toucher, finalement. À l’instar de celles de tous les peuples autochtones, la culture maorie entretient avec la nature une communion qui s’exprime par un goût pour la matière, comme la pierre Hine Kaitaka, mais aussi le bois et les coquillages, sur lesquels sont dessinés des motifs d’une grande précision.

Identitaire, l’art maori s’exprime par le tatouage – rappelez-vous le film Once Were Warriors (Lee Tamahori, 1994). Chez les communautés du Pacifique oriental, la peau est perforée, puis colorée à l’aide de pigments noirs. Les Maoris travaillent sur le corps humain comme ils le font sur le bois. Une section de l’expo montre que les tatouages sur le visage sont une pratique adoptée particulièrement par les femmes.

Les photos réunies ici, sensibles et fidèles à une documentation ethnographique plus respectueuse qu’à l’époque des colonies, sont à découvrir à l’ombre de plusieurs exemples de figures humaines peintes sur bois. Les « pou tokomanawa », piliers centraux de maisons à l’effigie d’ancêtres, ont quelque chose du totem nord-américain, par la verticalité, les formes arrondies et l’expression du regard.

Éminents visages

Le visage domine dans cette plongée offerte par le Musée de la civilisation. Il a valeur de symbole. Il y en a un en particulier qui est vénéré, celui du chef Wiremu Te Manewha (mort en 1891), dont le moulage du faciès en plâtre, réalisé alors qu’il était encore en vie, fait partie de l’exposition. Te Manewha est reconnu comme un guerrier et un dirigeant hors pair.

L’histoire des Maoris en est une de revendications et de luttes pour l’autodétermination. Les principales étapes de ce combat pour la sauvegarde d’une culture et d’une langue rythment la présentation d’E Tu Ake – Maori debout. Documents d’archives, photos, tracts, drapeaux, pancartes retracent tour à tour la Marche maorie pour la terre de 1975, l’occupation de Bastion Point de 1978 et la manifestation pour le littoral et les fonds marins de 2004.

Même si ce peuple vit selon l’axiome « le passé est devant, l’avenir est derrière » et cultive la parole des ancêtres, l’art arrive quand même à s’exprimer sous des formes très actuelles, voire novatrices. Plusieurs oeuvres d’artistes maoris de réputation internationale ont été dispersées à travers les différents sous-thèmes. Les animations numériques de Reuben Paterson, la peinture dépouillée et spirituelle de Darryn George ou les personnages tribaux à l’acrylique de Shane Cotton sont parmi les plus remarquables.

Si en fin de compte la présentation ne bouscule pas les habitudes des visiteurs de musées occidentaux (la scénographie est du Musée de la civilisation), l’exposition respire l’authenticité d’un bout à l’autre. Rappelons que c’est une équipe néo-zélandaise qui est derrière la conception d’E Tu Ake. Et tous les objets, sauf erreur, proviennent du musée Te Papa. Le Musée du quai Branly avait accueilli l’exposition à Paris à la fin de 2011. Le musée québécois ne reproduit pas ce qui a été fait là-bas, sauf pour la publication. Le catalogue mis en vente ici est celui édité en France.

 Collaborateur

Dali aurait vendu 10.000 dollars un faux poil de sa moustache.


Salvador Dali, l'homme à la moustache farceuse. (AP/SIPA)

Salvador Dali, l’homme à la moustache farceuse. (AP/SIPA)

Le peintre Salvador Dali (1904-1989) a vendu un faux poil de sa moustache pour 10.000 dollars à Yoko Ono, aujourd’hui veuve de John Lennon, raconte l’actrice et ancienne chanteuse Amanda Lear, dans le magazine “VSD” paru jeudi 29 novembre.

“Toute sa vie, Dali n’a pu résister quand on agitait un gros chèque sous son nez”, dit celle qui fut autrefois la muse et la maîtresse du peintre auquel le Centre Georges Pompidou consacre en ce moment une importante rétrospective.

“Un jour, il a même vendu un poil de sa moustache à Yoko Ono. Enfin presque… Il pensait que c’était une sorcière et craignait qu’elle lui jette un sort. Il m’a alors envoyée cueillir une herbe séchée et l’a placée dansNle.

“L’autre andouille a payé 10.000 dollars. Dali aimait bien escroquer les gens”, ajoute-t-elle.

“C’était mon professeur d’art, mon père, mon amant”, se souvient Amanda Lear qui a rencontré le peintre en 1965 quand, dit-elle, elle avait 18 ans, et lui 61.

Source: Le Nouvel Observateur

Dalí : le cadavre exquis bouge encore


Trente-trois ans après la mémorable exposition de 1979, le grand peintre surréaliste revient au Centre Pompidou. Un concentré effervescent.

A Port Lligat, près de Cadaqués, en novembre 1957, Dali, au côté de Gala, supervise une danseuse peignant avec ses pieds.A Port Lligat, près de Cadaqués, en novembre 1957, Dali, au côté de Gala, supervise une danseuse peignant avec ses pieds. © Farabola/Leemage
Vous ne pourrez pas l’ignorer longtemps : à deux pas de l’ancienne place de Grève et de la rue Rambuteau, dans la résille arachnéenne du Centre Pompidou, un golem avec canne à pommeau, le grand Rascar Capac des montres molles, le vampire du surréalisme platiné va se réincarner. En 1979, du vivant de Dalí, une première exposition avait offert au même musée un record d’entrées jamais égalé depuis lors. Dalí va-t-il battre Dalí ? Le gouvernement Ayrault sera-t-il contemporain d’un pic de surréalité ? L’exposition s’annonce comme le siphonnage d’une psyché, le diorama d’un polymorphisme. A travers ses époques, ses volets, ses méandres, chacun pourra composer son kit de dalinisme compressé, en même temps que l’on y prendra la mesure d’une oeuvre qui reste stupéfiante.

Samplings de réalité

L’énigme, c’est l’origine. L’enfant du notaire de Figueras auquel on montrait la tombe de son frère aîné, mort avant sa naissance, et comme lui nommé Salvador Dalí. Dès sa haute enfance, donc, Dalí est un cadavre en sursis. Un double. Mais la charogne va bouger. Ce qui touche, c’est l’explosante fixe du Dalí augural. Le jouvenceau qui se liait d’étroite amitié, à la Cité universitaire de Madrid, avecFederico Garcia Lorca et Luis Buñuel. Naissance d’une passion. Singulière matrice. Comment des provinciaux de l’Espagne alfonsine, par pure friction de silex, mûrissent-ils des images qui vont devenir mondiales ? La fascination des plages infinies et la pourpre sanguine du torero blessé, un rasoir qui tranche un oeil et des fourmis sortant d’une plaie à vif. On sait que Lorca finira tragiquement. Comme Dalí, Buñuel va durer, passant du vicomte de Noailles à Catherine Deneuve, et d’André Breton à Michael Lonsdale.

On va beaucoup écrire sur l’exposition Dalí in situ. Une façon de la prendre par la bande, de la remixer, de la sourcer, c’est d’entreprendre un voyage en Catalogne à travers les mastabas de cet étrange pharaon. Là, vous entrez dans l’accélérateur de particules, le shaker en 3D. Vous avez cette empreinte génétique dont le Centre Pompidou détaille le spectre. A Port Lligat, anse d’une blancheur marocaine, Gala et Dalí avaient réuni à partir de 1929 plusieurs maisons de pêcheurs. A l’intérieur de cette demeure polylobée, la lumière catalane semble éclairer les méandres d’un cortex biscornu, entre les poésies de Lautréamont et le concours Lépine. Ours empaillé, arbalète, immortelles, coquillages, reproduction du “Philippe IV” de Velazquez, cage à canaris, cage à grillons, studiolo avec appareils optiques, “Angélus” de Millet, grain de blé géant, boa, lion naturalisé, christ géant avec sa barque thorax dans le jardin, fontaine mauresque et Bibendum Michelin, on sent que Dalí, comme une sorte de musicien électronique avant l’heure, procédait par prélèvements, par samplings de réalité, sorte de disc-jockey des coïncidences parcouru de vibrations lémuriennes. Sur les murs, des photos parlent aussi de son siècle : Walt Disney, la duchesse de Windsor, Picasso, Gregory Peck et Ingrid Bergman, Paul Eluard…

Coquille façonnée pour sa muse

A Figueras, l’ancien théâtre de la cité est devenu le musée auquel Dalí contribua de son vivant. Une sorte de mausolée panoptique, criard et signifiant, comme si l’on expliquait le “Manifeste du surréalisme” à un croupier de Las Vegas. Il y a là les images tutélaires, les signatures d’une célébrité : grèves désertes, insectes, cyprès, béquilles, tiroirs dans des torses de femmes, anamorphoses, fresques de plafond en contre-plongée, bijoux à la Schiaparelli pour élégantes de la Cinquième Avenue. Un poulpe trône au-dessus du “Moïse” de Michel-Ange. Les paysages de Cadaqués et de l’Ampurdan fournissent un fond d’enfance à tous les délires. Plus curieuses, moins connues peut-être, les oeuvres du dernier Dalí. Une photo pixellisée d’Abraham Lincoln abrite en trompe-l’oeil Gala vue de dos (1972). Un hologramme rock’n’roll de 1973 est intitulé “Le cerveau d’Alice Cooper”. Et il y a l’expressionnisme final, autour de 1981, qui a les matités d’un panneau de Joseph Beuys.

Car Dalí connut alors son crépuscule dans une dernière demeure, son Rosebud foetal, son Xanadu paranoïaque, le château de Pubol. Une redoute fortifiée du XIVe siècle qu’il avait transformée en ode à Gala. Plafond avec colonnade ouverte sur la lune, oeufs de Fabergé, tentures, bougeoirs, illusions d’optique – du Christian Bérard sous LSD. Se refermant dans la coquille qu’il avait façonnée pour sa muse, Dalí en avait fait un lieu presque proustien, une églogue à la jeunesse perdue. Il y a là des trompe-l’oeil, des chaises en cuillère, un portrait de Gala vue de dos avec des dômes russes dans le ciel. De vieux disques suggèrent un goût musical : Verdi, Wagner, Stravinsky, Penderecki. Mais la mort dalinienne, elle aussi, était frappée d’extravagance : le corps de Gala repose dans la crypte, veillé par une girafe et des têtes de chevaux. Dalí vint peindre ici ses derniers tableaux, autour de 1982, méditant inlassablement sur la théorie des catastrophes de René Thom, avant d’être brûlé en 1984 dans l’incendie de la chambre Bleue. Il se retira alors à Figueras, où il meurt en 1989.

La preuve dans l’héritage

Incidemment, il y a dans l’histrionisme dalinien une façon de faire pièce, constamment, à l’ombre énorme de Picasso. Cette autre guerre civile espagnole oppose le minotaure de “Guernica” au peintre fou qui sera anobli par Franco. D’un côté, les femmes déstructurées, le génie zébré, la projection plastique d’une immense force explosante – c’est Picasso. De l’autre, les christs en perspective vertigineuse, la figuration minutieuse des monstres de la raison, la méthode paranoïa-critique comme blason d’un Avida Dollars à la fine moustache. Paris est le port d’accueil de ces deux plésiosaures, mais le génie est espagnol : on repasse Velazquez et Goya au laminoir d’un siècle nucléaire.

Avec Dalí, la preuve est aujourd’hui dans l’héritage, sous la forme d’une postérité disséminée. De son vivant, ce Protée avait multiplié les essais transformés : peinture, sculpture, décors de théâtre, films, hologrammes, stéréoscopies, salon inspiré par Mae West, oeuvres éphémères annonçant la mode des “performances”. Sans doute y a-t-il de l’ADN dalinien dans les sérigraphies de Warhol, le système narcissique de la Factory, le goût des muses façon Amanda Lear ou Edie Sedgwick. Et du Dalí aussi chez les cardinaux sanguinolents de Francis Bacon, formes éclatées dans une nébuleuse d’hémoglobine. Mais l’homme qui fit à la télévision la publicité du chocolat Lanvin aura essaimé dans toutes les clowneries de la société du spectacle, anticipateur ironique et supérieur des grimaces de la vente, satiriste avec pourcentage des simulacres intéressés de la mondialisation. Il y a du Dalí dans le tee-shirt déchiré des punks, dans les soutiens-gorge coniques de Jean Paul Gaultier, dans l’autoclonage avec maximes sèches d’un Karl Lagerfeld.

Système de la mode ? Peut-être. Mais il n’est pas acquis que Dalí ait acquiescé à la crédulité de ses adulateurs. Marquis de lui-même, métaphysicien ovoïde, théoricien vénéneux des reproductions lucratives, il surplombe l’époque avec un terrifiant rire de sarcasme. Il y a du Dalí incorporé dans le spectacle autant que dans sa critique.”Comme révolutionnaires, vous aspirez à un maître, et vous l’aurez”, disait son ancien ami Lacan aux jeunes gens de 1968. Comme postmodernes, nous aspirons à un pape, et nous l’avons probablement trouvé. C’est le pari du Centre Pompidou que d’offrir à Sa Sainteté Dalí un Vatican temporaire. Il attend ses nombreux fidèles.

“Salvador Dali”, du 21 novembre au 25 mars 2013. Centre Pompidou, Paris.

Affaire Picasso : Un procès qui devrait avoir lieu avant l’été


 

Pierre Le Guennec affirme avoir, du vivant du peintre,

reçu ces œuvres en cadeau de  Jacqueline Picasso.

Pierre Le Guennec affirme avoir, du vivant du peintre, reçu ces œuvres en cadeau de Jacqueline Picasso.                   

    Le tribunal de Grasse, dans les ­Alpes-Maritimes, va finir par devenir spécialiste de Picasso dans un procès qui devrait avoir lieu avant l’été. Selon nos informations, il devrait recevoir, avant la fin de la semaine, une plainte dans le cadre de l’affaire qu’il instruit et qui oppose Pierre Le Guennec et son épouse, retraités de Mouans-Sartoux mis en examen pour le recel de 271 œuvres du peintre, à la Picasso Administration, la société de gestion des droits de l’artiste.

L’action vise, au pénal, Claude Picasso, administrateur de ladite Picasso Administration, et Claudia Andrieu, sa responsable juridique. Ils sont accusés par les époux Le Guennec de «tentative d’escroquerie au jugement». Rédigée par l’un des avocats du couple, Charles-Étienne Gudin, du barreau de Bordeaux, la plainte détaille sur 40 pages les supposées «manœuvres» de la Picasso Administration pour tromper l’autorité judiciaire… d’où la qualification d’escroquerie.

Un lot estimé à 60 millions d’euros

«Selon nous, explique Me Gudin, la ­Picasso Administration utilise tous les moyens, y compris frauduleux, pour convaincre la justice de qualités qu’elle n’a pas, et ce dans le seul but d’obtenir un jugement en sa faveur. D’une part, les héritiers font croire qu’ils possèdent des qualités d’expertise qui leur permettent d’authentifier les œuvres de Picasso, qualités qu’ils n’ont pas ; d’autre part, ils revendiquent des compétences leur permettant de certifier la provenance licite des œuvres, qu’ils n’ont pas plus.» Selon l’avocat, un jugement favorable serait le seul moyen, pour eux, d’obtenir titre de propriété sur les 271 dessins, croquis et toiles retrouvés dans le garage de Pierre Le Guennec. Lesquels sont estimés, au bas mot, à 60 millions d’euros.

Cette plainte fait suite à une autre, déposée

 l’été dernier par les Le Guennec au même tribunal de Grasse, cette fois au civil, contre trois des enfants Picasso, Claude, Paloma et Maya. Cette action «en tierce opposition» vise à dénier la qualité d’héritiers à ces enfants nés hors mariage, bien que la justice, après la mort du peintre, la leur ait accordée. «Une plainte fantaisiste d’un point de vue juridique, car elle nous renvoie à une autre époque, et scandaleuse d’un point de vue moral, réplique Jean-Jacques Neuer, l’avocat parisien de la Picasso Administration. Au lieu de justifier la possession des œuvres, voilà des personnes qui viennent critiquer les victimes en leur déniant la qualité d’héritier!»

Quant à la nouvelle plainte pour escroquerie, il la balaye d’un revers de main. «Ces gens sont venus à la Picasso Administration pour obtenir des certificats d’authenticité et maintenant ils lui dénient cette qualité, c’est surréaliste!», pointe-t-il.

«Collection Nounours»

Les Le Guennec, qui expliquent avoir, du vivant du peintre, reçu ces œuvres en cadeau de Jacqueline Picasso, sa dernière épouse, avaient, de fait, demandé aux héritiers, à l’automne 2010, de les expertiser.

La bataille juridique fait aussi rage sur le terrain de la presse. Des témoignages à charge sont apparus contre Pierre Bresnu, le chauffeur de Picasso, surnommé Nounours. Pierre Bresnu, aujourd’hui décédé, possédait lui aussi plusieurs dizaines d’œu­vres de Picasso. Les témoins racontent que Pierre Bresnu, avant sa mort, leur aurait confié qu’il les détenait de manière illicite. Or, il y a un an, à l’occasion de la vente à Drouot du reliquat de cette «collection Nounours», il a été découvert que Pierre Le Guennec n’était autre que le cousin germain de Jacqueline Bresnu, la veuve, récemment disparue, de Nounours. Avec de tels liens de parenté, que les Le Guennec n’avaient pas spontanément évoqués au début de l’affaire, la tentation est grande pour les plaignants de rapprocher le supposé voleur du présumé receleur, l’un cousin de l’autre par alliance.

Une «vraie copie» de la Joconde authentifiée au musée du Prado à Madrid


Une «vraie copie» de la Joconde authentifiée au musée du Prado à Madrid

La copie qui se trouve à Madrid (D) sera exposée au Musée du Louvre aux côtés de la Mona Lisa originale (G), à partir du 29 mars 2012 à Paris.

La copie qui se trouve à Madrid (D) sera exposée au Musée du Louvre aux côtés de la Mona Lisa originale (G), à partir du 29 mars 2012 à Paris.

REUTERS/Musee du Louvre/Angele Dequier/Sergio Perez
Par Christophe Carmarans

Des travaux de restauration récents réalisés sur une copie de la Joconde exposée au Prado de Madrid ont permis de révéler une Mona Lisa peinte au même moment que celle de Léonard De Vinci. Les analyses démontrent qu’il s’agit d’un tableau exécuté par l’un des élèves du maître toscan. Les deux œuvres seront exposées ensemble à Paris à partir du 29 mars.

Elle est âgée de plus de 500 ans, voit passer des millions de visiteurs tous les ans et continue de fasciner le monde de l’Art. La Joconde et son sourire énigmatique défraient de nouveau la chronique mais, cette fois, c’est une copie qui agite le milieu artistique, une Mona Lisa exposée depuis 1819 au Musée du Prado, à Madrid. Des dizaines de copies du plus célèbre tableau du monde ont été peintes depuis la création de l’original par Léonard De Vinci à Florence entre 1503 et 1506. Néanmoins, celle du Prado a cela de particulier qu’elle a été réalisée à la même période et dans le même atelier que celui du maître.

Le paysage réapparaît

Jusqu’alors, personne ne s’était rendu compte que la Mona Lisa exposée au musée du Louvre à Paris avait une authentique sœur jumelle. Et pour cause : l’arrière-plan de son alter ego madrilèneavait été volontairement noirci (probablement au milieu du XVIIIe siècle par effet de mode ou de style), si bien que la paysage bien particulier du tableau était devenu invisible, laissant croire à une énième imitation (des dizaines de répliques ont été peintes dès les XVIe et XVIIe siècles).

Ce n’est que récemment, après un nettoyage méticuleux de la « Mona Lisa espagnole », que l’incroyable ressemblance entre les deux tableaux a sauté aux yeux des experts. Des analyses approfondies à l’aide de rayons X, infrarouges et ultra-violets ont permis de découvrir de grandes similitudes dans les travaux préparatoires de l’exécution des deux œuvres dont les dimensions sont pratiquement identiques (77 x 53 cm au Louvre, 76 x 57cm au Prado).

Ainsi, alors que l’on croyait que le bois du tableau du Prado était en chêne, très peu présent en Italie au XVIe siècle, il s’est avéré être en noyer, un bois présent en Toscane à l’époque, même si celui utilisé par Léonard De Vinci pour sa Joconde était en peuplier. Ce que ces analyses ont également prouvé, c’est que les deux tableaux avaient été peints non seulement à la même période mais aussi dans le même atelier. Les experts sont même en mesure d’affirmer que l’auteur de la copie est soit Andrea Salai, soit Francseco Melzi, deux des plus proches élèves du maître.

L’un ou l’autre ont donc également eu pour modèle la fameuseLisa Gherardini, épouse du marchand d’étoffe florentin Francesco del Giocondo. La Joconde espagnole apparaît d’ailleurs plus jeune que l’authentique et le paysage plus lumineux, des différences qui s’expliquerait par le fait que le tableau qui se trouve au Louvre est assombri par le vernis qui a fini par jaunir. La Mona Lisa du Prado arbore également des habits plus chatoyants que ceux de la Joconde française dont on s’est longtemps demandé si elle ne portait pas le deuil. Bientôt, les curieux auront une occasion unique de les comparer puisque les deux tableaux seront exposés ensemble au Louvre du 29 mars au 25 juin prochains.

De Vinci reste inimitable

Une illustration ingénieuse réalisée par le site internet du Figaro (voir ci-dessus) permet d’ailleurs de comparer les deux œuvres mises côte à côte et de voir à quel point l’inspiration est similaire. Reste la technique qui, elle, demeure inimitable. « La copie du Prado est une très belle peinture », reconnaissait le conservateur des peintures italiennes du Louvre Vincent Delieuvindans les colonnes de La Croix, « mais celle de Léonard De Vinci est exceptionnelle et d’un raffinement cent fois supérieur avec ses effets de sfumato (évanescence), ses transitions de l’ombre à la lumière très subtiles qui donnent vie et mouvement aux formes  ».