Entretien avec Denise Bernhardt

Fred Edson Lafortune: Denise Bernhardt, vous êtes membre de la Société des Gens de Lettres de France, sociétaire de la Société des Poètes et Artistes de France, membre de l’Association littéraire franco-haïtienne Passerelles. Vous avez publié plusieurs recueils poétiques, dont le plus connu, l’Ame Nue, a été traduit en créole. Vous avez obtenu le prix Aragon de la Société des Poètes Français en 2000 pour Dialogue Ensoleillé écrit avec René Eyrier, le prix de la Fondation Yolaine et Stephen Blanchard en 2002 pour Lacrime, le prix Publio Virgilio Marone à Rome en 2003 pour l’Ame Nue, le prix littéraire Pensieri in versi décerné par l’Académie Internationale Il Convivio en Italie en 2006 pour La Vie en Marelle écrit avec Charitable Duckens dit Duccha, poète haïtien.
Que voulez-vous ajouter à cette brève présentation?

Denise Bernhardt: Tout d’abord je tiens à préciser que c’est vous-même qui avez traduit « l’Ame nue » en Créole avec gentillesse, avec talent, et que je vous en sais grée, infiniment. C’est toujours un honneur pour un auteur de voir son oeuvre prendre vie dans une autre langue, dans un autre pays, d’autant plus si, dans le dit pays, il a tissé avec le temps de multiples liens d’amitié.
En ce qui concerne la présentation elle-même, elle n’est pas exhaustive, ne serait -ce qu’en raison du Grand Prix des Erotides 2007 que je viens de recevoir, décerné par le Cercle Européen de Poésie Francophone POESIAS.
Par ailleurs je suis sociétaire de la Société des Poètes Français, la plus ancienne association poétique et la plus honorifique, fondée en 1902 par José Maria de Heredia, Sully Prud’homme et Léon Dierx.
Mes poèmes dans leur ensemble ont été publiés dans de nombreuses revues, en France et à l’Etranger, ainsi que dans quelques Anthologies, j’ai participé à des émissions de Radio Régionales, et certains textes ont inspiré un peintre, Daniel Olivier, dans le cadre d’une exposition à thèmes. Enfin comme beaucoup d’auteurs, je m’éparpille sur quelques pages d’Internet à l’initiative de sites amis.

Vous êtes née en France, à Cannes. Quel est le plus beau souvenir que vous gardez de votre enfance?

Qu’elle heureuse idée que celle d’évoquer son plus beau souvenir d’enfance ! L’enfance en elle-même devrait toujours être un seul beau souvenir. Malheureusement c’est loin d’être invariablement le cas. Mon enfance a été partagée entre Cannes et Annecy, où sont ancrées mes racines paternelles. Cette alternance qui commença alors que je n’étais qu’un bébé, était due au fait que mes parents travaillaient tous les deux : ma mère dans l’hôtellerie, et mon père comme pâtissier. Durant les saisons touristiques de la Côte d’Azur, où les journées de travail comptaient double, il leur était impossible de s’occuper d’une enfant, et c’est ma grand-mère Mélanie qui héritait de la lourde responsabilité d’élever une petite fille turbulente, ayant acquis très vite la réputation «d’être un ange en classe et un diable à la maison. » J’étais fille unique selon l’expression, un peu trop peut-être !

Mon enfance à Cannes fut couleur mimosa, de ceux que je revois illuminant la cour de l’école maternelle, elle fut le parfum acidulé des oranges , difficilement épluchées à l’heure du goûter par nos mains enfantines, elle fut eaux vives, poissons dansant que nous tentions d’attraper, dans leur nage tranquille au fil des bassins dormant au fond du square, où les mères conduisaient leurs progéniturs l’après-midi.
Cannes était une succession d’instants heureux, baignés de bleu, à l’ombre des palmiers, dans la floraison violettes des glycines croulant sur les murs des jardins, et l’éclat vermillon des géraniums. Mais aucun souvenir particulier ne me vient à l’esprit. Si ce n’est les jeux de ballons propulsés à grands coups de pieds par les garçons du quartier où je m’enrôlai souvent, car les rues à cette époque ne représentaient pas un grand danger pour les enfants.
A défaut je livrerai quand même un joli souvenir de Cannes.
Tous les ans avait lieu « La Fête du Mimosa ». Chaque Comité de quartier élaborait un char, entièrement couvert de mimosas. Je faisais partie de l’escouade de jeunes et de filles, qui devait animer la fête, défilant tout l’après-midi sur les chars, dans les rues de Cannes et en bord de mer, en lançant sans discontinuer des brins de mimosas et des tonnes de confetti sur la foule. La sexualité débridée n’était pas encore de mise et nous avions de longues jupes de satin vert pomme, avec des corsages bouton d’or, nous ne dansions pas non plus, c’était plutôt un bouquet de sourires et de frais minois que l’on offrait aux Cannois ravis, dans l’enthousiasme des chansons et des musiques du moment. Ce fut une journée magnifique où je croyais être une princesse, saluant ses sujets, sous les vivats et les applaudissements !!!!
La femme n’était pas encore devenue un simple objet sexuel. Les hommes conservaient une certaine pudeur tout au moins apparente. Ils appréciaient que le corps féminin soit suggéré plutôt qu’offert, et savaient que le plaisir de la découverte était le prélude indispensable à la jouissance.

Quelles étaient les distractions à Cannes?

Pour moi elles sont synonymes du célèbre film « LA BOUM » avec Sophie Marceau. Nous sortions en bandes, et la méditerranée était notre complice : les heures d’insouciance joyeuse passées sur les plages de la Croisette, les sorties dominicales aux Iles de Lérins, au large de Cannes. Et là, les filles se voyaient responsables des paniers de pique-nique, pour ces graines d’homme qui ne songeaient qu’à la drague, car la moyenne d’âge devait se situer aux environs de 15 ans. Les îles nous enivraient de leurs senteurs aphrodisiaques, nous brûlaient de soleil, et du plaisir cuisant des premières caresses à l’ombre des pins parasols.
Caresses, je dis bien car au-delà était un « no man’s land, » sans la contraception qui n’existait pas encore, ni les préservatifs qui n’étaient pas dans nos moeurs. Le dernier bateau « des îles » ramenait toute cette jeunesse « débraillée », épuisée, à la peau dorée par le soleil déclinant, sur la terre ferme, jusqu’au Dimanche suivant.
En dehors des plaisirs de la plage, une vespa arrêtée sous une fenêtre, pour récupérer une fille, puis une autre, donnait le signal des virées en ville et du rassemblement devant le bar « des Allées » situé non loin de la mer, et du Kiosque à Musique. Le seul souci était de trouver une villa ou un appartement, désertés momentanément par les parents, susceptibles d’accueillir nos boums, aux musiques langoureuses des Platters, des Beattles, et de Paul Anka qui nous faisait fondre avec sa chanson : « You are my destiny ». Les premiers Rock de Johnny Holliday rythmèrent nos premières joutes amoureuses autant qu’innocentes. Les filles exhibaient leurs robes neuves, juponnées et tourbillonnantes tandis que les garçons faisaient leurs premières armes.
Autrement nous allions sagement au Ciné Club du Palais des Festivals, pour voir des chefs d’oeuvre comme « La Strada » de Federico Fellini avec l’inoubliable Juglietta Massina, ou « Le Voleur de Bicyclette » de Vittorio de Sica. Certains après-midi nous voyaient préférer les Jeunesses Musicales de France qui rassemblaient les amateurs de musique classique.
Je n’ai jamais assisté à une conférence, contrairement aux jeunes haïtiens, par contre je lisais beaucoup grâce à la bibliothèque de mon quartier, et à celle de ma meilleure amie, dont la maman, professeur de Français, venait de mourir prématurément.

Enfant, vous aviez un goût certain pour la peinture, pourquoi?

Certainement parce que l’un de mes ancêtres d’Annecy était peintre, au début du 19ème siècle, spécialisé dans les reproductions de scènes champêtres, et de cours de ferme, les poulaillers étaient très à la mode en ce temps là. Les gênes avaient du se transmettre jusqu’à moi. Depuis toute petite chez ma grand-mère, je peignais à la gouache des rectangles de papiers à dessin, et cela assez bien pour qu’à l’âge de 16 ans mes parents m’offrent pour mon anniversaire une magnifique boite de peinture à l’huile. En même temps je rencontrai celui qui devait devenir mon mari, et le premier chef -d’oeuvre que je réalisai, un violoniste, fut pour lui.

Quel a été votre parcours en peinture?

Ce fut un amusement d’adolescente sans plus, à 18 ans je parti travailler à 700 Km de chez moi comme institutrice, mais tout le long de ma vie le goût du dessin, fusains, pastels, et sanguines ne m’a jamais quitté. Et certains furent assez bien réussis. Plus tard, Jean Marais habitait Vallauris, de passage chez son encadreur tomba en arrêt devant un chat que j’avais réalisé en pastel satiné, et l’emporta quelques jours chez lui, avant de le ramener à sa propriétaire. (J’en avais fait cadeau à une amie) Bien plus tard je me souvins de l’anecdote et j’envoyais au combien célèbre acteur mon premier recueil : « Où La Lumière se Pose, » ce qui me valu une belle lettre autographe, que je garde précieusement. Il estimait les poètes étant l’ami intime de Jean Cocteau, le Prince des Poètes comme chacun le sait. Mais j’aimais vraiment la peinture, si je n’ai pas continué c’est par manque de place, et surtout à cause de cette vie de famille qui m’a envahie à l’âge où d’autres sont encore étudiantes. Visiter une galerie est resté un grand plaisir pour moi, ainsi qu’assister à des vernissages.

A cette époque, avez-vous eu des indices de votre choix d’écrire?

Non, on ne choisi pas d’écrire, c’est l’écriture qui nous choisi.
Et elle m’a choisie à l’âge de 9 ans où je composai mes premiers poèmes, initiée par une institutrice d’une classe fondamentale comme vous dites en Haïti.

Quels étaient les écrivains que vous lisiez à l’époque?

Mes livres préférés étaient « Les Nourritures Terrestres » d’André Gide, Rimbaud et Verlaine ainsi que leurs biographies, « La vie de Francesco Goya », « La Peste » d’Albert Camus, « Plongées sans câbles » car la beauté du monde sous-marin me fascinait, et les vers de Rimbaud m’emportaient dans un abîme de rêveries : « Et dès lors, je me suis baigné dans le poème de la mer… » qui pourra égaler un jour « Le Bateau Ivre »
Je lisais tous les « Nelson » de ma grand-mère : Hugo (Les Misérables, Notre-Dame de Paris) Alphonse Daudet, Lamartine, Alexandre Dumas, des gens très recommandables en somme.
J’oubliais les bandes dessinées, Tarzan, Spirou, Le Journal de Mickey. Et par ailleurs « Tropiques du Cancer », livre érotico, porno, et philosophique, que je trouvai caché au fond de l’armoire de mes parents. Enfin je l’ai parcouru, il était tellement gros avec ses mille pages, je l’ai vite abandonné!

A vingt ans, vous vous êtes déjà mariée, comment avez-vous organisé votre nouvelle vie?

Dire que j’ai organisé ma vie serait vraiment prétentieux, il suffisait de me regarder pour que je sois enceinte, disaient des voisins bien intentionnés, et 5 ans après mon mariage, mes quatre filles étaient nées. Parler de nouvelle Vie, c’est un peu abusif aussi, j’étais passé de l’adolescence, à l’état de mère de famille sans transition, hormis une année d’enseignement.

Comme on dit familièrement, j’étais débordée et je faisais seule, l’essentiel des tâches, donnant souvent à manger à deux petites en même temps, assises devant moi dans leurs « baby relax ». Ouvrant la bouche devant la cuillère comme des oisillons dans un nid. Un peu plus tard à 30 ans je portait de longues tresses, et les commerçants me prenaient pour une des filles de la maison, demandant à mon mari l’autorisation de me donner un article à crédit. Des visiteurs aussi sur le seuil de la porte me demandaient de bien vouloir aller chercher mon « papa ».

Et maintenant, vivez-vous toute seule ou en famille?

Entre cet heureux temps que je viens de décrire, car c’est celui de la jeunesse et aujourd’hui, le fleuve de la vie a coulé.
Je vis avec mon mari, (le même !) à Montmorency, et presque en famille, car ma fille aînée habite un ‘immeuble voisin du nôtre. Deux de mes autres filles vivent aussi dans des immeubles jumeaux à 10 km, et la troisième est à Paris à 20 km. Elles sont mariées et nous avons cinq petites filles. Cette famille est une tribu de filles. L’un de mes gendres a été déclaré forfait, pour infidélité notoire, il me reste donc trois gendres. Il se peut d’ailleurs que le « forfaitaire » en cours de remariage soit prochainement remplacé. C’est en bonne voie.

Depuis quand êtes-vous arrivée à Montmorency?

Nous sommes arrivés à Montmorency, ville que j’avais choisie en baladant mon pendule sur une carte, en 1982, Ce fut un déchirement car j’adorais Strasbourg la capitale alsacienne, où nous venions de passer 15 ans. Cet appartement dans la résidence où nous sommes toujours, me semblait un grand studio, les plafonds à 2,50m au lieu de 3,20m précédemment m’étouffaient, comme les chambres rétrécies de moitié.
Complètement claustrophobe je passai une partie de mes nuits sur le balcon durant la première semaine.
Concernant Montmorency, rien ne m’intéressait, et même aujourd’hui je ne connais que la place du marché !!! ainsi que le trajet pour aller à Enghien, petite ville déjà plus vivante. J’ai fini par comprendre que mon HLM de luxe comme disait un ami, beaucoup de gens auraient été heureux d’y vivre en France et de part le monde.

Etes-vous croyante?

Oui, à l’intérieur d’une belle église, je sens une présence, un apaisement, je suis dans un refuge, un abri. J’allume un cierge au pied de la Vierge ou d’un Saint. J’aime être entourée des oeuvres d’art que les siècles ont fait naître, et mon plaisir le plus intense, est d’entendre, dans la solitude majestueuse d’une cathédrale, l’organiste répéter pour un prochain office. Cependant je n’ai pas la Foi. Je ne crois pas qu’un être supérieur régisse nos vies. La phrase de Voltaire : « Je ne puis croire que cette horloge n’ait point d’horloger » je ne la partage pas. Pour moi la religion est « l’opium du peuple », soeur du pouvoir. Cela permet de dire au peuple qui a faim : « Priez, Dieu y pourvoira, » ou « le mal, il existe en punition de vos péchés ». Le seul diction qui me parait sensé est le fameux : « Aide-toi, le ciel t’aidera ». C’est-à-dire qu’il faut d’abord puiser dans son énergie et sa volonté, pour surmonter les difficultés. Et c’est vrai que lorsque nous avons fait cet effort souvent la situation s’améliore, et tout se met à bouger dans la bonne direction. Un peu comme un lourd traîneau qui, une fois décollé de la neige se met à glisser doucement, puis de plus en plus vite sur les chemins glacés. Les peuples sont comme ces lourds traîneaux, ils ont besoin d’une force supplémentaire pour se mettre en mouvement et aller de l’avant.

Après votre baccalauréat, vous avez eu un court passage dans l’Education Nationale.
Que retenez-vous de cette expérience?

Ma brève carrière d’enseignante ne fut pas vraiment un choix. Mes parents après mon bac de philosophie, ne pouvaient plus continuer à subventionner mes études. Je vois encore mon père, blanc de colère en s’apercevant que mes livres en fin d’année étaient comme neufs ! le pauvre, il les avait payés cher.
Je n’ai jamais appris un cours de philo, je me contentai d’écouter très attentivement le professeur. Le bac je l’avais passé en Juin, et dès Septembre, je partais avec la grande malle de mes parents pour un poste de remplaçante au centre de la France, dans l’Indre, pays d’étangs au charme étrange et nostalgique, tout frissonnants au moindre souffle de vent, pays de cultures et de vergers, parsemé de fermes, aux longs murs gris, avec en leur centre d’énormes tas de fumier, ennoblis par la lumière du soir.
Région du Berry marquée à jamais par La Dame de Nohant : Georges Sand. De cette année je garde le souvenir de la visite du château de Nohant où elle écrivait en compagnie de Chopin, Musset et d’autres artistes devenus immortels.
Pourtant j’aimais enseigner, j’aimais les enfants, et ils me rendaient cette affection, certains ont pleuré quand je suis partie.
Rebelle à toute autorité je ne respectais pas l’Inspecteur d’Académie, je déchirai sous son nez une dissertation. Je finis pas démissionner, ne supportant pas l’éloignement. De plus en cours d’année scolaire je « me retrouvais » enceinte, mon futur mari, revenant de la guerre d’Algérie, était venu m’embrasser après avoir revu sa famille, et m’ayant regardée, il m’avait fait un enfant !
Je crois que j’aurais été à ma place en tant qu’institutrice ou professeur de français, le destin n’était pas de cet avis.
En ce qui concerne l’expérience en elle-même, ce fut une année où je vivais dans des villages de 200 à 300 habitants, logée dans des maisons sans chauffage, avec -20°C en hiver, dépourvues de tout : une table, un banc de bois, un lit , une cheminée, pas de toilettes, rien.
L’instituteur m’appris à faire du feu, la nuit je mettais sur mon lit le contenu de la malle pour ne pas geler, et je me nourrissais de bouillie de farine de blé, que l’on donne aux bébés, de pain, de jambon, de beurre et de lait agrémenté de café ou de chocolat.
La classe réunissait tous les âges de 6 ans à 13 ans. J’avais trois groupes. Quand les uns écrivaient, je faisais lire les autres et dessiner la troisième section. L’heure d’après on inversait le tout ! Un folklore que connaissent bien les maîtres encore aujourd’hui dans la France profonde.
En hiver les plus grands allumaient un vieux poêle qui fumait de toute part. Le rituel était bien établi : je faisais sortir tout le monde, car l’air était irrespirable, on ouvrait tout grand les fenêtres, et nous attendions frissonnant dans la cour gelée, que la combustion s’équilibre, et que cet engin infernal veuille bien cesser de fumer.
Au bout d’un moment nous pouvions rentrer et les leçons commençaient.
Les relations humaines, qui avaient débutées par la poignée de main du maire et un mot de bienvenue, s’étaient poursuivies par une amitié avec le couple d’instituteurs s’occupant de l’autre classe et un jeune couple du village. Même pas un élément masculin désoeuvré qui aurait pu égayer ma vie monotone.
Je m’ennuyais, je rangeais la classe, et je me souviens encore du mot d’adieu et de remerciement de l’institutrice en poste :
« au moins vous avez bien rangé mon placard !!! »
En effet j’avais trouvé en arrivant un capharnaüm absolu.
Je partis sans regret de ce poste, avec des réflexions assez désabusées sur le métier d’enseignante.

Ce que j’ai vécu, je l’ai vu, retracé au détail près dans un film à la télévision : Remplaçante en 1961, dans un village de France.
Beaucoup abandonnaient où devenaient dépressives avant la fin de l’année scolaire. Je fis partie des démissionnaires.

Deuxième partie

Fred Edson Lafortune: A partir de quel moment avez-vous commencé à écrire?

Denise Bernhardt: C’est à l’âge de 9 ans que j’écrivis mon premier poème.
Plusieurs quatrains où il était question du printemps, de chants d’oiseaux. C’est mon institutrice, qui avait voulu nous donner les premières notions de poésie, et je pris le goût d’écrire. Poèmes enfantins, mais dont certains furent déjà publiés dans « Le Républicain Savoyard » d’Annecy.

Quand vous écrivez pour la première fois vos poèmes, avez-vous eu l’intention de devenir un grand écrivain?

Etant très jeune il m’était difficile d’avoir cette idée, je ne savais même pas qu’il existait un métier d’écrivain. Aujourd’hui j’ai simplement le désir d’être lue, toujours davantage, ce qui est déjà très ambitieux. Il est vrai que certains enfants posent l’affirmation : « plus tard je serai …» Et le plus étonnant c’est que certains d’entre eux lui font prendre vie.

Comment écrivez vous?

J’aime bien cette question, car chaque poète a sa manière, sa méthode, sa technique très personnelle. Pour ma part il faut que je ressente une émotion, qui peut être provoquée par un sentiment, un désir, mais aussi par un mot, une métaphore tombée du ciel dans le champ de la conscience. Il faut un évènement intérieur. Souvent je commence le poème dans mon esprit. Une fois sur le papier, j’essaie de le soumettre.

La plupart du temps il fait nuit, je ferme les yeux, à moitié endormie, je suis couchée, l’inspiration est là, je compose dans ma tête, et pour ne pas oublier, je rallume la lampe, j’écris sur une tablette posée sur mes genoux.
J’éteins à nouveau car le sommeil m’envahie, et bien non les mots sont là, c’est comme un rêve qui se poursuit, mais qui veut naître et je rallume à nouveau jusqu’à épuisement.
Comme le dit Wooly Saint Louis Jean, compositeur et interprète Haïtien : « je fais l’amour avec les mots ».

Le matin je reprend le texte, je lis à haute voix, et je le modifie, deux ou trois fois, en le recopiant entièrement, après cela c’est terminé. Si le résultat ne me persuade pas, j’abandonne sans trop de regret.
J’écris vite, je ne traîne pas un texte, je poétise « à la grâce de Dieu ».
Presque toujours je vis un amour en écrivant, je le vis avec intensité.
Je crée pour ma Muse, ce qui est une démarche plutôt masculine d’ailleurs.
Ai-je bien répondu ?
J’oubliais il y a les poèmes de la nuit, mais parfois ceux de l’aube et je trouve qu’ils ont une grâce particulière.
Quand nous écrivons, une présence invisible, guide notre plume, c’est pourquoi nous nous surprenons à nous demander de temps à autre d’où vient tel mot, telle image. Elle vient de notre inconscient, mais aussi de l’inconscient collectif, elle vient de l’héritage des maîtres, de ceux qui vivent encore en nous, autour de nous, dans la bulle irisée où seuls les poètes et les artistes ont accès. Il nous arrive d’avoir le très net sentiment quand nous écrivons, d’être « visités ». Et je remercie alors, à voix haute, le poème une fois terminé, cet ange mystérieux de m’avoir inspirée.

La peinture, n’a-t-elle pas influencé vos oeuvres?

Sans doute et comme le dit mon ami Michel Bénard, nous mettons dans les poèmes ce que nous ne pouvons peindre, et nous peignons ce que nous ne pouvons écrire. Je le paraphrase simplement. Mais je ne mène pas comme lui deux activités artistiques de front.
Un poème est un peu comme un paysage, il lui faut une harmonie, de la couleur, un relief, un rythme, et mille choses indéfinissables, qui en feront une création unique, impossible à reproduire. D’autre part il possède au-delà de la peinture sa propre musique, celle de l’âme.

Avez-vous choisi votre propre lectorat?

Non, je ne fabrique pas des mots, dans l’intention de les « placer » ou de les orienter vers telle ou telle catégorie de lecteurs. Je ne m’en soucie absolument pas. « Qui m’aime me lise ! » seul l’avenir lointain dira si j’ai un lectorat où si j’ai rejoint les arcanes de l’oubli.

Vous n’avez jamais été tenté d’écrire dans une langue étrangère?

Je suis née et j’ai grandi dans des régions de France : la Haute-Savoie, et la Provence, (proche du Comté de Nice) qui furent sous domination italienne jusqu’en 1860. Date de leur rattachement à la France. Je suis très attirée par l’Italie, dont je trouve le patrimoine artistique inégalé en Europe. C’est une terre que je n’ai jamais foulée, mais qui me semble soeur de la France et je pratique l’Italien, à l’occasion. En effet j’ai eu l’idée d’écrire quelques poèmes en Italien, sans pour cela la réaliser. Je me contente d’avoir le plaisir de lire régulièrement mes poèmes traduits en Italien par Angelo Manitta, président de l’Académie Internationale il Convivio dans sa revue littéraire, ce dont je le remercie.

Quels sont les auteurs qui vous ont influencés?

Influencée je ne sais pas, mais les poètes français, qui font parti de notre histoire, nous ont légué leur héritage à travers les époques. Depuis les troubadours, dans la langue la plus pure :
Celle de la poésie orale, aussi ancienne que l’humanité, jusqu’à Victor Hugo et son foisonnement génial, en passant par Ronsard, nous pillons tour à tour, les plus grands auteurs.
Malheureusement dans cet ordre d’idée, certains similis poètes en sont encore à faire rimer, rose avec éclose, et voiles avec étoiles ou toiles.
Verlaine et Rimbaud sont restés mes maîtres, et Jules Supervielle m’a influencé dans sa recherche, du monde réel à travers l’apparence, dans sa façon de briser tour à tour les miroirs pour atteindre l’essence de l’objet ou de l’être. Supervielle qui mena une vie simple, ne cessa de créer, une oeuvre parmi les plus belles les plus vraies, J’en suis très loin, mais j’aime m’apparenter en toute modestie à ce poète.

D’une manière plus directe j’ai été très marquée par un poète comme Michel Bénard que j’ai connu en 1998. J’avais commandé son dernier livre : « Calligraphie » et j’eu le coup de foudre pour son écriture. Son amour de la beauté, la facilité qu’il possède de replacer à tout instant l’inspiration dans le cycle de l’univers, dans l’harmonie originelle, la distance qu’il a naturellement par rapport à la matérialité des choses, tout était séduction pour moi, ainsi que sa façon d’idéaliser la femme, de lui rendre son statut de Muse qu’elle n’aurait jamais du perdre.
Par rapport à sa manière d’évoquer l’amour, avec une sensualité et un art consommés, d’effleurer la vie, d’ignorer tout ce qui la dégrade, la dévalorise, la dénature, je me trouvais en harmonie,avec ce poète, si ce n’est en « osmose » l’un de ses mots favoris.
Je pris ma plus belle plume pour exprimer les sentiments que j’ai tenté de décrire, et je lui en fit part.
Ce fut le début d’une amitié toujours vivante, qui ne s’est jamais démentie. Il me conseilla, avec tact, préfaça deux de mes recueils dont la toute récente « Mangrove du Désir ».
De mon coté je lui dédiais d’innombrables poèmes. Grâce à Michel, j’abandonnai tout à fait la poésie néo-classique et me plongeai avec délices dans les eaux lumineuses de la poésie libérée des contraintes de la forme, à la façon d’un nageur s’immergeant nu dans les vagues

Ma rencontre avec René Eyrier est antérieure, à la précédente.
Nous écrivîmes ensemble : « Dialogue Ensoleillé » Il adorait Aragon et le revendiquait, pourtant ses vers bâtis comme des alexandrins ne rimaient pas, ou au petit bonheur, cependant il respectait la forme en égrainant des quatrains. Pour être en harmonie je faisais de même, en alignant les rimes et les douze pieds habituels. Il m’influença, car notre thème était la Foi ou son Absence, il me donna le goût d’une poésie discursive, il me fit découvrir la richesse et le plaisir d’une écriture à deux voix, que je renouvelais six ans plus tard avec Duccha par le biais d’internet.
Originaire du midi, il avait en même temps une couleur d’ouvrier parisien tributaire du métro, vivant en banlieue avec sa femme, au sommet d’un immeuble de béton. Il avait gardé son accent de Provence, et parfois chantait pour moi dans cette langue, alors que nous cheminions en ville, et nous ne savions même plus où nous allions étant aussi rêveurs et étourdis l’un que l’autre; Le recueil avec René fut le dernier que je produisis en style néo-classique.

Vous avez commencé à publier très tard, est-ce un choix?

Ce sont les circonstances de la vie, je n’avais jamais tellement songé à publier, mais en 1996 je travaillais comme bibliothécaire à mi-temps dans un lycée. En dehors des heures de pointe où les élèves arrivaient tous en même temps, j’avais de longs moments de liberté. Je commençai à taper une centaine de poèmes ayant survécu au temps, et une amie insista pour que je les envoie chez un éditeur.
Je ne sais comment j’eu l’idée des Editions Saint Germain des Prés, (le nom sans doute) mais la réponse fut favorable. Le premier éditeur, sis dans le prestigieux Quartier Latin, fut le bon. Ainsi naquit :
« Où la lumière se pose »

Pourquoi avoir publié de la poésie et non pas les autres genres?

Tout simplement parce que je n’ai aucune aptitude pour le roman comme pour la nouvelle, que cela représente un travail considérable et je suis le contraire d’une travailleuse. J’aime les choses rapides. Toutefois j’écris des articles ou des préfaces pour les recueils que j’apprécie particulièrement, ce qui me permet de faire plaisir dans le même élan.

Vous trouvez le métier d’écrivain difficile.

Oui, surtout quand un ami comme Fred Edson Lafortune me demande de répondre à des dizaines de questions !!!
Le métier d’écrivain me parait surtout qualifier le romancier, mais c’est peut-être un préjugé de ma part.
Le poète gagne très peu d’argent, est-ce un métier? Mais c’est difficile, il donne plus qu’il ne reçoit.

Je citerai Alphonse Daudet et vous laisse méditer :
« Il y a par le monde de pauvres gens qui sont condamnés à vivre de leur cerveau, et payent en bel or fin, avec leur moelle et leur substance , les moindres choses de la vie. C’est pour eux une douleur de chaque jour : et puis, quand ils sont las de souffrir…… »
(La légende de l’homme à la cervelle d’or)

De nos jours aucun poète n’a encore l’illusion de pouvoir vivre de sa plume.

Mis à part vos activités littéraires, n’y a-t-il pas d’autres activités dans lesquelles vous vous impliquez?

Non c’est ma seule et unique passion.
Enfin il m’arrive de dessiner, ou de broder, il doit s’agir d’une anomalie du cycle lunaire, ou d’une période de vacances.

Vous semblez avoir un amour très profond pour le discours poétique.

Oui.

En France, comment accueille t’on vos ouvrages?

Cet une question d’envergure. La France compte 55 millions d’habitants, et la Poésie est lue surtout par les poètes eux-mêmes. Il vaudrait mieux dire comment sont accueilli mes recueils par mon entourage et mes amis poètes, et mes autres lecteurs inconnus.

J’ai reçu de nombreuses lettres d’amis et d’inconnus me disant leur plaisir et leur admiration par rapport aux textes.
Je crois que cette relation avec les lecteurs n’est pas si fréquente. Par ailleurs les succès remportés lors de concours, me font dire que l’accueil fait à mes écrits est satisfaisant.

Comment se répartit votre lectorat dans un pays où des milliers d’ouvrages paraissent chaque année?

Je crois que je viens de répondre à cette question. Il faudrait préciser aussi que le lectorat dépend de la diffusion des livres. La diffusion étant une affaire purement commerciale. Elle demande des moyens financiers importants. Un tirage fait à 500 exemplaires est honorable déjà en poésie.

Actuellement, la publication poétique n’étant pas rentable, l’évolution se fait vers des éditions où la vente s’effectue uniquement par Internet, et à la demande ce qui évite tout gaspillage. Cela n’empêche pas l’éditeur quand il est sérieux, de faire le « Service de Presse » traditionnel et de les présenter dans les Salons du Livre, Expositions, comme cela a toujours eu lieu. Un stock prévu à cet effet est tiré lors de la sortie du livre sur internet. J’insiste, il s’agit alors d’un véritable travail d’édition. Que les poètes débutants se méfient des sites d’édition, vide de tout contenu. Et de tout suivi.

Comment situez-vous vos oeuvres dans la littérature universelle?

Ce sont des poèmes d’amour comme les autres. En art nul ne sait qui va survivre, qui sera connu encore dans 50 ou 100 ans. Cela dépend de nombreux facteurs, parfois insaisissables.
Chaque artiste a le secret désir d’être pérennisé, de se prolonger, une façon de nier notre nature mortelle.
Mon souhait c’est qu’elles soient l’occasion d’une lecture agréable, selon l’expression consacrée, pour le reste je ne serai plus là, pour en juger.

Troisième partie

Fred Edson Lafortune: La poésie, est-elle le produit, à votre avis, de l’inspiration et/ou d’un travail techniquement élaboré?

Denise Bernhardt: La poésie est sans nul doute le produit de l’inspiration.

Elle est un don du ciel, on naît poète, comme on naît musicien ou peintre. Ne dit-on pas : « il ou elle est douée pour … »
Aucun travail ne peut remplacer cette grâce mystérieuse qui nous est donnée, de voir, de ressentir, de transcrire.
J’ai parcouru un livre ancien, doré aux fers, du 19ème siècle, car je suis amoureuse des livres anciens. J’aime leur patine, leur odeur, le velouté des peaux….donc ce petit livre raffiné contenait des sonnets, parfaits sans doute du point de vue de la forme, mais qui ne recélaient pas une once de poésie.
Si le don est la base de tout, il ne constitue pas tout, durant notre vie on ne cesse de l’améliorer, il s’épanouit comme une fleur vivante. Et c’est à ce stade et en ce sens seulement qu’intervient la technique. On apprend comment un poème doit s’articuler, sa cadence, sa musique, on se rend compte qu’il faut souvent épurer, tailler, sculpter les mots, c’est à cet instant que les arts se rejoignent selon les correspondances chères à Baudelaire. On compose un poème, comme un chant, une sculpture, un tableau. C’est simplement une question d’outils :
Un stylo, une plume, un pinceau des couleurs, un ciseau, un burin. L’argument est toujours, pour l’artiste d’être à la fois émetteur et récepteur, mais avec entre les deux, le filtre de sa personnalité, de son intelligence, de sa sensibilité, qui est à chaque fois unique, ne pouvant être recrée, si elle est souvent copiée. C’est le caractère intrinsèque de l’oeuvre d’art.
Un poème se travaille, certes, mais cette étape doit à peine se deviner, comme la beauté en clair obscur, effleurée par les ailes de l’ange.

Quelles relations le poète doit-il, selon vous, entretenir avec l’expression poétique?

Puisque c’est avec lui-même les meilleures possibles.

Pourriez-vous définir ce qu’est votre conception de la poésie?

La poésie doit être accessible, sans qu’il soit besoin d’études supérieures pour la comprendre. Rien de pire qu’un poème où l’on avance à l’aide d’un dictionnaire.
Elle doit trouver une résonance, dans chaque lecteur. Je crois que c’est en cela qu’un poète possède une chance de rester dans la mémoire collective. Il faut avouer que la forme classique, la rime, aident beaucoup à retenir un texte. Rime qui est reprise de nos jours par certaines formes poétiques qui respirent à la limite de la chanson.
En lisant un poème il faut éprouver du plaisir en termes de découvertes : une métaphore nouvelle, une inspiration inédite, une recherche dans l’expression qui cependant doit rester naturelle. Il faut ressentir une qualité d’âme, une personnalité
à travers l’écriture, pour en retirer un enrichissement intellectuel . La poésie permet d’approcher l’idéal, que ce soit la Beauté, la Vérité, l’Amour.
Définir un « beau » poème, n’est pas chose aisée, car la beauté n’a rien à voir avec la naïveté d’une image, elle réside peut-être, dans la justesse du ressenti, et l’art avec lequel il est traduit en simples mots.

Tant que le coeur d’un poète sera ému par une larme tremblant au bord d’un cil, la poésie restera la plus haute expression humaine , permettant de relier une âme à une autre âme par le seul intermédiaire du signe.

Le poète Paul Eluard refuse une poésie qui prendrait ses distances à l’égard du réel. Selon lui, le poète fera une oeuvre authentique en s’appropriant la réalité et en la dominant. Etes-vous d’accord?

Si la poésie prend trop de distance avec le réel elle devient un délire sans grand intérêt, un peu comme ces tableaux abstraits qui avoisinent le néant de la pensée comme de l’expression.
Ce n’est qu’en s’appropriant la réalité pour la restituer à travers le prisme de ses émotions de sa sensibilité, et de son talent , que le poète réalise une oeuvre; Rien ne peut exister en dehors de la réalité sensorielle . C’est pourquoi de nombreuses expériences visant à dissocier le poème du réel, et du sens, se sont autodétruites d’elles mêmes.

Votre vécu quotidien, a-t-il influencé vos écrits?

C’est ici que le petit jeu de la vérité, s’intensifie.
Il m’a influencé de deux manières contradictoires : d’une part en voulant fuir le quotidien, où je n’avais pas matière à retranscrire
« L’écume des jours » selon Boris Vian, et d’autre part en créant une autre réalité à travers l’espace et le temps, qui parfois devient plus sensible que la première. J’ai toujours eu envie de remettre en question le sens du mot platonique, car les idées prennent vie et réalité dans l’imaginaire et le poème. Peu à peu elles font partie de ma vie, et je ne peux les cantonner en des brumes insaisissables. Je connais des émotions platoniques qui génèrent autant de bien ou de mal que des émotions dues à des faits tangibles.

Il est des récits en prose qui présentent des ressemblances formelles avec la poésie telles certaines pages de Chateaubriand ou de Gracq, par exemple, qui sont qualifiées de « prose poétique » parce que le travail du texte, par sa nature, est similaire à celui de la poésie.
A votre avis, faut-il remettre en question le statut même de la poésie comme genre littéraire, quand on observe que certains textes relevant d’autres genres littéraires sont parfois dits « poétiques »?

Vous venez d’exprimer toute la nuance, qui existe entre la poésie, et la prose poétique. Ces textes magnifiques sont « poétiques » mais qui est poétique, n’est pas un poème en soit. Ils s’inscrivent dans un roman dans un récit, qui sont le véritable propos de l’auteur, maintenant s’il possède le talent et le désir de le baigner de poésie, c’est pour notre grand plaisir, mais le poème possède en lui-même sa raison d’être, il n’est pas inclus dans une autre forme d’écrit.
Il a le caractère éphémère de l’instant surtout pour les auteurs contemporains car les anciens égrainaient volontiers de longues stances interminables. Il constitue un tout, une histoire bien souvent, concentrée en quelques mots, ce qui aurait demandé plusieurs pages a un texte en prose. Le poème se décline avec un rythme, une musique, que ne possède pas la prose poétique aussi élaborée soit elle.
Prenez une plume, et vous sentirez très nettement si votre texte est « prose poétique » ou « poème ». Notre disposition intérieure n’est pas la même non plus, dans un cas ou dans l’autre.
Pour ma part je ne peux confondre les deux. Donc le fait de remettre en cause le statut de la Poésie qui se définit étymologiquement comme une « création » est très loin de mon esprit.

On appelle parfois un texte poétique une « poésie », n’est ce pas selon vous, un emploi impropre dans le sens que le texte poétique est un « poème »?

Il est fréquent d’employer un terme à la place de l’autre.
Habituellement on parle de la Poésie comme d’un genre littéraire,
Et le Poème en est la traduction. Je crois que cela est du à une dérive linguistique qui affaiblit le sens en général;

La poésie, n’est- elle pas un monde différent de celui que nous avons l’habitude de voir?

Nous avons le redoutable don de déchiffrer les signes, nous sommes des passeurs, des éveilleurs. C’est nous qui révélons un monde différent, la bulle irisée où seuls les poètes et les artistes ont accès. Nous créons et nous entrons en même temps dans l’univers invisible, dans une autre dimension. Un peu comme être projeté tout à coup dans le Triangle des Bermudes.
Loin de ma pensée l’aspect cyclonique. Si selon Arthur Rimbaud le poète se doit d’être « voyant » il doit garder sa raison. Car la folie n’est pas soeur des arts. Si un certain délire est positif, il faut en garder la maîtrise, ce qu’a compris FRANKETIENNE, et malheur au jeune poète qui prétend l’imiter, il sera en deçà ou au-delà, de toute manière il se perdra.

Comme dans les films de Jean Cocteau qui nous a transmis dans ses oeuvres la symbolique et la magie ancestrale, le poète revêt le gant de velours noir qui lui permet de franchir le miroir, non pas pour aller dans le monde des morts, mais pour atteindre l’illumination apparentée au mysticisme religieux.

Dans quelle circonstance écrivez-vous?

Lorsque je me trouve effleurée « par les ailes de l’ange » !

La poésie, selon vous, peut-elle être faite par tous?

Non, puisqu’il faut à la base un Don. Le poète ne possède pas grand-chose, laissons lui au moins ce privilège.

Qui est poète, à votre avis?

Au risque de me contredire je dirais que tout le monde porte en soi la divine poésie.
La nature humaine est uniforme, penser autrement serait de l’élitisme. Malgré tout, pour obtenir la couleur violette il faut mélanger du rose et du bleu en quantité suffisante, et en proportions égales. Pour beaucoup la poésie restera à l’état embryonnaire et ne verra jamais le jour car l’osmose n’aura pu avoir lieu.

Est-ce que, à votre avis, l’on peut être poète sans jamais publier?

Certainement, même sans jamais écrire. La poésie, est une disposition de l’âme, un pouvoir que nous possédons. Elle appartient au domaine spirituel, et ne passe pas obligatoirement dans le monde matériel qui n’est fait que de contraintes.

Est- ce que vous pensez que la poésie peut apporter quelque chose au social?

Elle est une force, un engagement, même si l’on ne fait pas partie des poètes dits « engagés. » Le poète qui est poreux comme une éponge est à des degrés divers un témoin de son temps. Vous en avez de beaux exemples en Haïti. Parmi les jeunes poètes, le premier recueil de James Noël : Poèmes à Double Tranchant, retentit comme un nouveau « J’ACCUSE! » dans la société insulaire.
Les plus grands poètes, les plus grands écrivains ont été liés à la vie politique de leurs pays, souvent même condamnés à l’exil pour la force de leurs témoignages et les changements qu’elle pouvait amener dans la société. Un auteur s’il le peut n’est pas destiné à s’enfermer dans sa tour d’ivoire, il lui faut accepter de prendre des risques, sans pour cela signer pour le martyr.
Malheureusement, il arrive que le martyr, soit son destin, qu’il ne revendiquait pas. Je n’oublierai pas l’enlèvement puis la torture et l’assassina le 14 Juillet 2005, du poète et journaliste haïtien Jacques Roche, et voici quelques jours de François Latour. Avec vous tous je demande JUSTICE.

Quel est, selon vous, le rôle de l’écrivain?

Je crois avoir répondu.

Quatrième partie

Fred Edson Lafortune: Depuis quand êtes-vous membre de la Société des Poètes Français?

Denise Bernhardt: Depuis le 2 Avril 1998 exactement, parrainée par François Fournet alors président de l’Ouvre Boite, et Jeannine Dion Guérin qui deviendra Secrétaire générale de la Société des Poètes Français.

Gagnez-vous beaucoup d’argent avec vos publications?

L’argent que j’ai gagné, équilibre seulement les dépenses que j’ai pu engager. Il est très important de savoir qu’un poète gagne très peu d’argent. Avec un éditeur, il ne dépensera rien, mais l’usage veut qu’il perçoive 10% sur le prix de vente net du livre. A compte d’auteur, s’il vend bien et par ses soins, dans le meilleur des cas, il sera remboursé de ses dépenses. Un éditeur peut donner également 10% mais en livres – pour un tirage de 1000 vous aurez 100 livres, la rémunération sera close quelles que soient les ventes. Il peut aussi s’agir d’une vente par souscription. J’ai expérimenté plusieurs de ces systèmes. La poésie est donc une activité sans but lucratif, sauf de rares exceptions ou dérives, je pense aux poèmes de circonstances que l’on peut vendre (naissance, mariage, anniversaire) ce que je laisse aux versificateurs.

Situez-vous vos textes dans un courant littéraire?

Je les situe dans la lignée de la poésie amoureuse, mais je ne sais s’il existe un courant littéraire en ce sens. Cette poésie est universelle et intemporelle.

Votre recueil poétique, l’Ame Nue est traduit en Créole.
Comment avez-vous vécu cette traduction?

Je l’ai ressenti comme un grand honneur, et je vous remercie de tout coeur d’avoir mené à bien ce travail. En outre c’est la première fois qu’un de mes recueils est traduit dans une langue étrangère, intégralement.
Jusqu’à présent les traductions ne concernaient que certains poèmes. J’ai eu aussi le sentiment que ce cadeau magnifique tissait des liens indestructibles avec mon traducteur, comme avec Haïti. Votre enthousiasme juvénile pour le texte m’amusait et il m’amuse encore, mais c’est un bonheur total.

Parlez-vous créole?

Non pas du tout, mais je sais dire « Je t’aime » le mot qui ouvre tous les chemins sur la terre. J’ai essayé d’apprendre mais avec mon jeune professeur, on riait tellement, que je ne comprenais plus rien. Par moment je déchiffre au hasard d’un texte, où d’un courrier, quelque mot échappé mais c’est tout. Enfin si je n’ai rien appris où presque, c’est entièrement la faute de mes amis Haïtiens qui ne parlent que français avec moi.

Qu’attendez-vous de cette traduction?

J’aimerai que l’Ame Nue soit publiée (ce serait pour la troisième fois ) en version bilingue, français et créole. Ce sera une joie profonde pour mon traducteur ici présent, et moi-même. J’espère aussi que cette joie sera partagée par tout le lectorat qui a sucé la musique créole avec le lait maternel.

Avez-vous des livres ou des poèmes traduits dans d’autres langues étrangères?

Oui plusieurs de mes poèmes ont été traduits en Italien, et les derniers dans la belle anthologie de presque 700 pages :
« Cento Poeti Per L’Europa Del Terzo Millennio » (Cent Poètes pour l’Europe du Troisième Millénaire) publiée en Italie ,en Janvier 2007 par l’Académie Il CONVIVIO.

Quelle a été l’influence de vos souvenirs d’enfance dans votre écriture, dans l’Ame Nue plus particulièrement?

Je retrouve dans l’Ame Nue un poème qui s’intitule : « l’Enfance Perdue » mais j’ai voulu dire l’innocence perdue, la naïveté, le moment de la vie où l’on croit en tout.
Dans un autre poème : « Outremer », j’évoque une maison sortie tout droit de mes rêves. Ce n’est pas un souvenir d’enfance. Tous mes paysages sont imaginaires sauf si j’évoque un lac, serti de montagnes, où les nuages s’inversent dans l’azur des flots. « Lambeaux »

Dans l’Ame nue, parfois vous invoquez l’espace géographique de la France. Quel sens donner à la représentation que vous faites de cet espace?

Au début de « l’Ame nue » j’évoque l’Abbaye de Royaumont, sous la neige, alors que je ne l’ai jamais vue en hiver. J’ai mis ce poème comme j’aurais mis une belle image, dans un livre d’enfance. Je cite Paris, lieu de toutes les retrouvailles, l’espace géographique n’est que le décor théâtral des poèmes.

Vous parlez, dans l’Ame Nue, de vos amours. Vous en avez connu beaucoup?

Je suis mariée depuis l’âge de 19 ans, et j’ai connu mon mari à 16 ans. Cette année là j’étais dans une institution religieuse pour préparer le bac. C’est donc un amour à travers le temps…..
Mais « nobody is perfect ». Mon mari prudent ne me présentait à aucun de ses amis dans le cadre de ses invitations professionnelles, ce qui lui laissait toute liberté d’ailleurs !
Dans notre vie privée, nous étions une « bande » d’une vingtaine de personnes, on sortait on dansait, et mon esprit commença un jour à vagabonder, ce que je n’ai jamais cessé de faire depuis. Alors l’intention vaut l’action dira le bon curé du village. Par ailleurs le joker s’impose.

Vous parlez toujours d’amour dans vos oeuvres, quelle est la thématique qui vous préoccupe maintenant?

Toujours la même, quoi de plus important sur terre. Le seul bien dont tout le monde peut jouir ! gratuit et non imposable ! pour l’instant ! Plus sérieusement, l’alpha et l’oméga de toutes choses.

Vous avez écrit La vie en marelle avec charitable Duckens (Duccha). Qui d’entre vous a fait choix du titre?

Tous les deux, il était question de « marelle », mais il me semble que j’ai eu le dernier mot pour le titre final.

Comment avez-vous rencontré Duccha?

J’ai rencontré mon petit Duccha sur un site d’internet :
Le Club des Poètes de Jean-Pierre Rosnay. C’est Duccha qui m’a envoyé un mail que je n’oublierai jamais :
« Je suis un poète haïtien, écris moi ». C’était un ordre, pas question de s’y soustraire.

La vie en marelle, qu’est ce que ça pourrait vouloir dire?

C’est une expression très riche de sens, on pourrait écrire un livre entier sur le symbolisme de la marelle, qui est la représentation de la vie, depuis la plus haute antiquité, ce qui a été fait sans doute.
Elle représente donc l’effort, toujours répété, que doit faire l’être humain, pour se dégager de l’élément TERRE, dans l’espoir d’atteindre le PARADIS, c’est-à-dire la libération de la matière. Et ce pavé qu’il faut pousser sans cesse, sur un pied, (ce qui indique notre incapacité d’y consacrer la totalité de notre énergie mentale) représente toutes les difficultés que nous rencontrons au fil des jours. Nous avons pensé Duccha et moi, à nos vies, nos vies imparfaites que nous unissions par l’échange de nos poèmes, dans un geste d’alliance à travers la distance, malgré toutes nos différences.

Comment situez-vous la poésie de Duccha par rapport à la vôtre?

Duccha est un poète lyrique, son inspiration féconde fait que les mots viennent sous sa plume avec facilité. Il a une vision, étendue des choses, il appréhende la vie avec beaucoup de sensibilité, sa souffrance est permanente. J’admire énormément ce qu’il a écrit âgé de 22 ans à peine : Tentatives, et Travers de Clavier Multiples. Un don superbe.
De mon coté, je suis trop enfermée en moi-même, je refuse le monde qui m’entoure, je l’ignore. Ma seule recherche est la quête d’amour. Duccha est le témoin d’une vie, d’un pays, d’un désespoir qu’il ne peut surmonter. De plus il ne croit pas au miracle, aux sectes, il analyse la condition humaine telle qu’elle lui apparaît dans toute sa cruauté. Il a ce courage du « Dire ».

Dans La vie en marelle, vous entretenez, tous les deux, un dialogue poétique très sentimental qui a beaucoup marqué les lecteurs. Existe-il vraiment une relation sentimentale entre vous deux?

C’est évident, nous nous sommes écrit tous les jours pendant plusieurs mois. Nous étions tout l’un pour l’autre à cette époque et « la Vie en Marelle » fut la sublimation de ce que nous avons éprouvé. Vous avez raison d’employer le présent dans votre question, car seuls les amours charnels meurent de leurs belles morts. Les autres qui sont des vibrations lumineuses entre les âmes, ne meurent jamais. Le sentiment qui existe entre nous est de cette nature.

Qu’est ce qui vous a motivé à écrire un recueil poétique à double claviers?

Les poèmes reflétaient nos sentiments, et nous les échangions presque jours après jours. Ils constituaient un véritable dialogue, car Duccha s’exprimait sans entrave, et après quelques hésitations je fis de même. J’avais déjà écrit un recueil de cette manière avec René Eyrier : « Dialogue Ensoleillé » dont le thème était LA FOI, ce fut un grand plaisir, que j’eu tout de suite envie de revivre avec Duccha et il fut d’accord sans problèmes.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées dans la production de ce recueil?

Je n’en vois pas, où j’ai oublié, la difficulté était pour Duccha de trouver un ordinateur de libre, dans son Ecole supérieure d’Economie Appliquée, et du temps pour taper. Il ne m’a pas dit ce qu’il avait enduré avec moi! René Eyrié, longtemps après m’a révélé que je m’étais comportée en tyran, qui l’avait énervé pour les questions d’orthographe, et que je lui avais imposé des décisions. C’est vrai il avait 7 ans de plus que moi, il n’avait pas l’habitude de céder à une femme, d’autant plus que c’était un macho de Provence , du pays de Frédéric Mistral. J’espère qu’il n’en est pas de même pour Duccha. Pour moi ce fut une période très heureuse que la réalisation de ce recueil.

Vous avez réalisé un CD avec les textes de ”La vie en marelle” et vous ne dites que les vôtres.

Pour la bonne raison que Duccha m’avait dit qu’il allait enregistrer lui-même ses poèmes, pour avoir un souvenir de nos voix. J’attends pour le moment. Il devait les intercaler. Je pense qu’un jour un « vrai CD » sera fait par des comédiens avec de la musique. C’est un projet, je crois savoir avec qui le réaliser.

La vie en marelle est publié en novembre 2006 chez Rivarticollection à New York. Comment avez-vous rencontré cette maison d’édition?

C’est Kerline Devise, une amie haïtienne qui effectue un Doctorat à Paris, qui m’a fait connaître la directrice de Rivarticollection. Nous avons eu la chance d’être retenus pour être publiés, par le comité de lecture, et ce fut une chose très positive en soi. Je remercie donc Kerline, de son aide efficace. J’avais rédigé un article pour son recueil érotique : « Mes Corps » qui fut publié dans le Nouvelliste, et repris dans la revue d’Il Convivio en italien en 2006.

Avez-vous déjà été refusée par une maison d’édition?

Par quatre ou cinq en France, en général on vous répond « qu’ils ne publient plus de poésie » ou que malgré la qualité de votre texte, le planning est complet.
Il est très difficile de trouver un éditeur ici, ils reçoivent des milliers de manuscrits par an , pour en publier une vingtaine seulement. Je n’avais pas beaucoup cherché , j’ai été publié gratuitement en remportant des Prix d’Edition, deux fois, et par ailleurs j’utilisais le compte d’auteur.

Vous avez des liens très étroits avec des poètes, artistes et journalistes haïtiens. A quel moment les avez-vous rencontrés?

Très courtoisement, les uns m’ont présenté les autres, sur la demande de ces derniers. Duccha m’a fait connaître ses amis, dont Pierre Moïse Célestin, Samuel Eymieux, Coutechêve Aupont, seul James Noël étant de passage aussi au Club des Poètes m’a proposé directement de correspondre, . Il y a sans doute eu un mouvement de curiosité autour de moi.
Je fis aussi la connaissance des journalistes Juste Jonel et Pierre Jobnel dont j’apprécie beaucoup la gentillesse et l’amabilité en dehors de leur professionnalisme. De plus, c’est un honneur d’être accueillie grâce à eux dans les pages du Nouvelliste, le plus ancien quotidien d’Haïti. Par ailleurs Maggy de Coster me fit rencontrer Dominique Batraville son ami d’enfance, et James noël fit croiser ma route avec celle de Wooly Saint Louis Jean, venu donner un concert à Paris, en 2005.

Quelle est la plus belle et la plus mauvaise expérience vécue avec les poètes haïtiens?

Je rejette le mot d’expérience, car il implique un sujet et un objet, un certain calcul qui n’est pas dans mon caractère. Mon plus beau souvenir ce fut ma rencontre avec Duccha, et cet échange poétique d’où naquit « La vie en Marelle ». Tout fut surprise et découverte, provocation, car les années qui nous séparent, me rappelaient à chaque instant que je vivais des sentiments tout à fait déraisonnables. La sincérité de Duccha, la pureté de ses émotions avaient des clartés de source qui m’éblouissaient.
Mes autres rencontres furent aussi de petits miracles, simplement elles venaient après, et avec la patience d’une araignée je tissais chaque fois une nouvelle toile d’amitié et de poésie, pour ceux qui ont bien voulu me faire la grâce de s’y laisser prendre. Les mauvais souvenirs, il vaut mieux ne pas en parler : « Oublie-le, oublie tout ça » comme il m’a été dit.

Visiter Haïti n’est donc pas important?

Il semblerait plutôt que c’est Haïti qui ne cesse de me visiter, avec sa foule bruyante et bigarrée, son soleil incandescent, ses maisons basses où les voix des femmes gazouillent où jacassent comme des d’oiseaux, et ses palmes berçant des plages inespérées. Si un jour je venais rejoindre cette autre part de moi-même qui se trouve dans votre pays, depuis que Duccha a composé des mots magiques sur son clavier, ce serait pour y dormir à jamais, dans la terre de vos ancêtres, (s’ils veulent bien de moi!) que ce soit à Anse à veau, à Hinches, à Port-au-Prince ou à Jacmel, dans votre terre où les morts ne dorment pas. Ce serait pour rejouer « Mort à Venise » à Port-au-Prince…

Faites-vous des expériences avec d’autres poètes étrangers?

Non je ne fais pas d’expériences avec d’autres poètes étrangers, ce qui serait péjoratif. Je suis les routes d’eau qui, le plus souvent me ramènent à vos rivages.

Avez-vous de très bons rapports avec des poètes et artistes haïtiens vivant en France?

La difficulté des transports quand on habite le Val d’Oise (banlieue nord) fait que j’ai négligé de faire la connaissance d’artistes haïtiens vivant à Paris. J’ai simplement deux amies poètes, Kerline Devise, et Maggy de Coster, haïtienne devenue française par son mariage. Elle est directrice de la revue « Le Manoir des Poètes, » dans laquelle elle a publié certains de mes amis et elle fait partie du Comité de la Société des Poètes Français, parmi bien d’autres responsabilités.

Votre dernière publication « La Mangrove du désir » est une compilation de quatre recueils réunis en un seul. Comment s’est imposé à vous un tel choix?

Un écrivain parisien, Robert Vitton, m’a fait connaître en début d’année « LE CHASSEUR ABSTRAIT EDITEUR » dont la revue présentée tous les 15 de chaque mois sur Internet est LA RALM. Cet éditeur du sud de la France a publié en ligne dans un premier temps : « Les Braises Noires »
Ensuite il a informé les lecteurs de la RALM qu’il cherchait pour sa collection DJINNS des manuscrits de 200 pages. Le projet de la Mangrove était ancien car j’avais quelques inédits, comportant une unité dans l’inspiration. J’ai donc proposé, Concertino et le Coeur à l’Endroit, L’Âme nue, (en 2eme édition) et les Braises noires que je voulais voir publier de façon traditionnelle.

Avez-vous encore des rêves à réaliser?

Je crois que je suis entrain d’en réaliser plusieurs depuis cette année, que vous pouvez deviner en filigranes, dont certains grâce à vous.

Un dernier mot.

« ECRIRE EST UN ACTE D’AMOUR.
S’il ne l’est pas
Il n’est qu’ ECRITURE »

Jean Cocteau

FIN DES ENTRETIENS

24 JUIN 2007

Propos recueillis par FRED EDSON LAFORTUNE

PS: Ce texte a été publié pour la première fois dans le quotidien haïtien “Le Nouvelliste” le 24 septembre 2007.

About EchoCulture.org

Echo Culture, créée en juin 2011 à Providence, Rhode Island (USA), est une association haitienne d’échanges culturelles, apolitique et à but non lucratif. Elle a pour mission de promouvoir l’art et la culture à travers des manifestations culturelles comme la danse, le theatre, la peinture et la litterature.

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